C’est le thème qui monte en puissance dans les médias à l’occasion des élections européennes : TAFTA (Trans-Atlantic Free Trade Agreement) ou PTCI (Transatlantic Trade and Investment Partnership). Un traité de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union Européenne, sur fond de libéralisme qui fait polémique. Mais qu’en est-il vraiment ? Petit tour d’horizon des arguments de chacun.

Karel de Gucht, commissaire européen au commerce extérieur, chargé de négocier les termes du contrat avec les Etats-Unis. Les anti-TAFTA sont de plus en plus nombreux, que ce soit par le biais des réseaux sociaux avec le #STOPTAFTA, au travers d’ONG ou bien de partis politiques (Ecologistes, Front de Gauche, NPA…) . Leurs arguments peuvent être résumés en trois points.

Argument n°1 : le manque de transparence
Alors que le traité est en discussion depuis plusieurs années déjà, le grand public n’est au courant que depuis l’été 2013, suite à une fuite et à la publication dans la presse du mandat de négociation accordé à la Commission européenne. Pour les défenseurs de l’accord, c’est une stratégie (les deux zones ne veulent pas dévoiler tout leur jeu), pour ses détracteurs c’est un déni de démocratie vis-à-vis des citoyens européens.

Argument n°2 : la toute puissance des entreprises face aux États
Le TAFTA s’accompagne d’un mécanisme de « règlement des différends Investisseur-État » accepté par les deux parties. Le règlement des litiges sera délégué à une cour internationale arbitrale basée à Washington (à la place du système judiciaire européen). De ce fait, État et entreprise sont sur le même pied d’égalité. D’où l’inquiétude des anti-TAFTA, puisque ce mécanisme permettrait aux entreprises de porter plainte contre un État refusant d’octroyer un permis d’exploitation de gaz de schiste, par exemple, et de gagner au nom de la libre concurrence. En réponse aux critiques exprimées, le commissaire européen au commerce a suspendu ce mécanisme, et a lancé une consultation publique en ligne jusqu’au 7 juin.

Argument n°3 : une dérèglementation généralisée
Beaucoup de questions se posent quant à l’avenir des règlementations et normes en vigueur au sein de l’Union européenne. Le mandat de négociation publié en juin 2013 précise que «l’accord visera à éliminer les obstacles inutiles au commerce et à l’investissement, y compris les obstacles non tarifaires existants.» L’adopter reviendrait-il à accepter le commerce de bœuf aux hormones, les OGM, les pesticides, ou encore une remise en cause de la protection des données personnelles sur internet ? Sans parler de la législation française relative aux appellations d’origines, et de l’exception culturelle… L’accord de libre-échange parle aussi de respect de l’acquis européen et des législations nationales. En somme, la négociation reste possible, et l’objectif officiel est de rendre compatibles les normes américaines et européennes.

L’exécutif européen est isolé

Ce flot de critiques a entraîné le développement d’une forme d’hypocrisie au Parlement européen. L’an dernier, la majorité PPE (Parti populaire européen) et le principal groupe d’opposition, les Socialistes et Démocrates, avaient approuvé le mandat donné à la Commission européenne pour négocier les dispositions du possible traité. A l’approche des prochaines échéances électorales, beaucoup font aujourd’hui volte-face. Il n’est pas sûr qu’en l’état, le Parlement européen voterait l’adoption du projet.

Protéger les données personnelles

Car depuis le premier semestre 2013, les révélations d’Edward Snowden sur les écoutes téléphoniques de la NSA ont créé un véritable tremblement de terre à Strasbourg. La protection des données personnelles est aujourd’hui devenue une condition sine qua non à la poursuite des négociations transatlantiques.
Face à cette masse de mécontents, les différents exécutifs européens semblent démunis. Le gouvernement français, qui persiste pour l’instant à soutenir la Commission, invoque des opportunités formidables pour les entreprises européennes sur le marché américain. La recherche et l’innovation pourraient également profiter d’un tel accord, avec la mise en place de programmes communs de R&D. Plus globalement, ce sont les économies européennes et américaines qui pourraient se relever de la crise avec l’abaissement des barrières tarifaires et non-tarifaires entre les deux continents. Le Parlement européen a ainsi évalué à 120 milliards d’euros par an le profit substantiel que l’Union pourrait retirer de la ratification du traité, contre 95 milliards pour les Etats-Unis.

Les Etats-Unis favorisés ?

Mais le projet de traité est majoritairement perçu comme davantage favorable aux Américains. Aucune garantie n’a par exemple été obtenu du côté de l’UE au sujet d’une ouverture réciproque et à parts égales des marchés européens et américains aux entreprises situées de part et d’autre de l’Atlantique.
Il paraît donc compliqué pour un candidat aux élections de soutenir le projet de traité transatlantique. Les conclusions des négociations devraient voir le jour en novembre prochain, avant un long processus législatif (voir ci-dessous). L’élection en juin prochain du nouveau président de la Commission européenne pourrait sonner le glas du projet transatlantique.

Un long processus législatif

Si les négociations transatlantiques arrivent à leur but, un projet de traité sera présenté, probablement début 2015, devant le Parlement européen, qui devra alors voter ce projet à la majorité. Pour sa mise en place, il faudra que ce traité soit ratifié par l’ensemble des 28 pays de l’Union européenne. En clair, un seul « NON » à un référendum dans un des pays de l’UE pourrait empêcher la mise en place du traité.