Facebook, Twitter, LinkedIn, Viadeo, Instagram, Pinterest, ou le vétéran MSN… Rares sont les personnes qui ne ne sont pas sur au moins un de ces réseaux sociaux. Quelle place occupent-ils dans notre quotidien à l’heure actuelle et dans le futur? Nikos Smyrnaios,maître de conférence à Paul-Sabatier en socio-économie des nouveaux médias et communication de masse, répond à « Univers-Cités ».

Nikos SmyrnaiosUnivers-Cités : Aujourd’hui, chaque tranche d’âge semble avoir son réseau social. Comment l’expliquez-vous?
Nikos Smyrnaios : En fait, ce n’est pas vraiment ça. Une seule personne est sur plusieurs réseaux. On constate l’usage de multiples réseaux sociaux en parallèle, les ados utilisent encore Facebook entre autres. Mais à partir du moment où les réseaux sociaux se démocratisent, le public se fragmente. Les très jeunes utilisateurs d’Amérique du Nord et d’Europe utilisent moins Facebook alors qu’on y voit apparaître des personnes d’un âge plus élevé. Les ados du reste du monde l’utilisent encore beaucoup (au Brésil par exemple). Mais on est encore plus ou moins « obligé » d’être sur Facebook, le principal avantage étant que c’est le réseau le plus démocratique. Tout le monde y est.

Twitter est-il aussi développé et démocratisé qu’on le dit?
Non, ce n’est pas du tout démocratisé. Seuls 10% des internautes des pays du Nord y sont inscrits et parmi eux, très peu sont actifs. Entre 3% et 5% des inscrits en France. C’est un média très ciblé même s’il est en croissance. Quant aux caractéristiques générales des utilisateurs, elles montrent qu’ils sont en moyenne plus jeunes, plus éduqués, plus urbains, plus actifs. Par rapport à Facebook, on a une surreprésentation des métiers intellectuels, des journalistes, des chercheurs… Les utilisateurs ne sont pas du tout représentatifs de la population et il faut se méfier des mouvements qu’on peut avoir sur Twitter. En revanche, Twitter a un impact considérable sur les leaders d’opinion, comme par exemple les journalistes, et donc des conséquences sur le reste de la population. Alors que Facebook est globalement un réseau de « sociabilité ordinaire » (on parle surtout à ses connaissances, à ses amis), Twitter est un lieu où l’on trouve des informations qui relèvent de l’espace public, de la communication.

Comment ces réseaux pourraient-ils évoluer dans les années qui viennent? Les usages et pratiques vont-ils changer?
La question qu’on se pose souvent, c’est « Est-ce que Facebook va disparaître? ». Ce qui se passe, c’est que les acteurs comme Facebook mais aussi Google, Apple, Amazon etc… constituent un oligopole à une échelle mondiale. Ils sont dominants et risquent de capter une bonne partie des usages du public dans les années à venir. Comment y arrivent-ils? En captant l’innovation qui se fait ailleurs, en rachetant les entreprises comme WhatsApp mais aussi Instagram, rachetés par Facebook.
Donc ce qu’il y aura dans le futur, ce sera une diversification des pratiques sur les réseaux sociaux avec une fragmentation du public. Chacun aura un réseau pour un usage précis (professionnel, amical, culturel…) mais ces services-là risquent quand même d’être contrôlés par le petit nombre d’acteurs qu’on a vu. Au niveau des pratiques, la tendance forte du moment qui va se confirmer est l’internet mobile, le réseau sur son portable, toujours avec soi.

Passe-t-on trop de temps sur les réseaux sociaux? Qui y passe le plus de temps et pourquoi?
C’est difficile d’y répondre car cela implique une norme. Cela dépend de la personne et de son besoin du réseau social. Il n’y a pas de norme sociale sur ce genre de choses. Mais déjà il faut dire que les réseaux sociaux sont plus chronophages que d’autres services, on passe plus de temps sur Facebook que sur Google parce que les usages sont différents. Après les déterminants socio-culturels font qu’une certaine partie de la population dans certains pays y passent plus de temps (sur les réseaux sociaux).
Un Brésilien passera plus de temps sur Facebook qu’un Italien ou un Allemand. Un chômeur y sera plus longtemps qu’un actif. Quelqu’un qui travaille dans un bureau avec un ordinateur y sera plus souvent que quelqu’un qui travaille en extérieur.

Croyez-vous que les réseaux sociaux sont indispensables aujourd’hui (aux étudiants, aux jeunes actifs)? Que peuvent-ils leur apporter?
D’un point de vue professionnel, on constate que de plus en plus d’employeurs prennent en compte la présence de jeunes salariés ou candidats à l’embauche sur Internet et les réseaux. Ils « googlisent » votre nom. Et donc les réseaux sociaux comme les blogs, les sites personnels peuvent servir à démontrer un savoir-faire, des compétences. Le problème est que souvent les jeunes n’ont pas forcément conscience de ça, leur usage des réseaux n’est pas « cristallisé ». Il faut prendre conscience des enjeux et très vite, définir une stratégie de présence en ligne. Par exemple, un profil personnel pour les amis et un profil public. Ou même ne pas être en ligne du tout, c’est une stratégie très efficace. Ou encore mettre en avant un profil LinkedIn, très sérieux, pour les démarches professionnelles. Malheureusement, aujourd’hui il faut très tôt avoir sa stratégie, ce dont les générations d’avant n’avaient pas à se soucier.

Pour en savoir plus, voir le dossier spécial Ina Global sur le réseau Facebook.