Donner la parole aux gens autour de leur ressenti de l’étranger et de la migration. Voilà la mission que s’est donné l’Association montalbanaise d’aide aux réfugiés (AMAR) à travers un film intitulé « La France des couleurs » composé de témoignages recueillis à Montauban.

Tout a commencé en 2011. En plein débat sur le ministère de l’Identité nationale, l’association AMAR se sentait « dépassée et un peu déprimée » selon les dires d’un de ses membres, Isabelle Patin, également psychologue interculturelle. Ils montent alors un projet visant à repenser l’étranger et à redéfinir la migration en sortant des lieux communs.
Pour cela, ils créent ce qu’ils appellent une « boîte à paroles » qu’ils placent à divers endroits dans Montauban. Dans cette petite pièce ressemblant à un photomaton, les personnes intéressées sont filmées une par une et soumises à un questionnaire ouvert leur laissant tout le loisir de s’exprimer sur ce qu’ils pensent des étrangers et des migrants d’une manière générale.

48 personnes s’y sont confiées pendant soixante-dix heures. Ce qui a donné lieu à un film présenté par AMAR ce 15 novembre à CanalSud à Toulouse. « On a voulu recueillir les impressions, le ressenti, explique Isabelle Patin, l’idée n’est pas d’être représentatif mais d’avoir les opinions de quelques personnes. »

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«Les migrants, ils fuient quelque chose. »

Le film se présente alors comme une compilation de ces avis et laisse beaucoup la parole aux étrangers comme aux « Français de souche ». Comme une réponse aux expulsions de Roms et aux polémiques racistes omniprésentes, les témoignages sont globalement très positifs et pleins d’humanité.

« On oublie trop souvent que ces gens ne viennent pas par plaisir, ils fuient quelque chose. » C’est le genre de discours que l’on peut entendre dans la « boîte à paroles ». Mais les plus belles idées viennent finalement peut-être des enfants, français comme étrangers. « C’est pas possible de ne pas avoir de points communs, déclare l’un d’eux, y’en a qui ont des lunettes, d’autres qui n’aiment pas les épinards…» Une manière simple et innocente de comprendre le rapport à l’autre.

Est-ce que les Français deviennent méchants ?

Loin des considérations politiques et économiques sur les bienfaits ou les coûts de l’immigration, la « boîte à paroles » apporte avant tout un aspect moral où prime l’échange autour de choses simples. Pour les personnes présentes dans la boîte, l’étranger s’associe plus facilement à un bon plat d’ailleurs où à une culture fascinante qu’à un voleur d’emplois et d’allocations.

C’est là que le but d’AMAR est atteint : proposer une nouvelle approche et questionner l’idée même de migration et la peur qu’elle inspire parfois. Le film est ainsi projeté dans des collèges ou des lycées où à chaque fois, la démarche est expliquée par des membres de l’association. Un travail pédagogique de longue haleine qui se confronte à un discours politique plus sombre.

« Je crois qu’on se permet plus d’agressivité aujourd’hui, analyse Isabelle Patin, et on a une position pas très claire du gouvernement qui n’arrange rien. » Ce qui rejoint un peu le discours d’une des personnes interrogée dans la boîte : « Les Français deviennent méchants aujourd’hui. »

Le film n’apporte pas de réponse claire aux problèmes du rapport aux migrants, qui est avant tout lié à des questions de mentalité. Mais les bonnes idées peuvent encore une fois venir des enfants : « Quand les gens ne sont pas d’accords, on devrait les mettre dans cette boîte, ils seraient obligés de discuter. »