Entre ses mimiques exagérées, son humour décalé et ses imitations convaincantes, Jean-François Piquet, alias Jef’s a tout du one man show ordinaire. Pourtant, un détail le rend particulièrement unique : il est sourd. Il revient sur la scène du théâtre du Grand Rond pour son nouvel opus “Sourd toujours”, un spectacle à destination de tous.

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La date du 11 février 2005 a réellement marqué un tournant dans la vie de Jef’s : la Langue des signes française (LSF) est alors reconnue comme “langue à part entière”. “J’ai eu envie que les gens comprennent, qu’ils se rendent compte que les Sourds peuvent tout faire. J’en avais marre qu’on les compare à des handicapés”, raconte-t-il. C’est pour cette raison qu’il a d’abord imaginé le spectacle Sourd, et alors ?. Un spectacle qu’il considère surtout pédagogique puisqu’il explique comment peuvent se mélanger les sourds et les entendants. Avec un discours plutôt militant, plein d’idées en tête mais quelques arrangements pour faire un vrai spectacle, il rencontre Alexandre Bernhardt, metteur en scène intéressé par la LSF.

Pour ce premier spectacle, le travail a surtout consisté à transposer les idées du comédien en trois dimensions. “Ce qui est génial avec la Langue des signes, c’est qu’on peut vraiment tout dire”, explique-t-il. Après une tournée dans toute la France, les deux acolytes planchent sur un deuxième spectacle avec cette fois-ci un nouveau challenge : « Comment faire d’un comédien sourd un vrai comédien ?”. Il n’est plus question de montrer la différence entre deux communautés qui cohabitent et se mélangent mais de présenter un one man show à part entière. “Maintenant il va être comparé pour sa valeur artistique, se réjouit Alexandre, il sort vraiment de sa communauté donc il y a un risque artistique et on va être critiqué pour des choses intéressantes !”.

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“Avec « Sourd toujours », on part dans la folie”

Devant un public composé à la fois de sourds et d’entendants, Jef’s propose un spectacle accessible à tous. Un petit décalage se fait ressentir par moment, les uns riant directement aux signes du comédien, les autres décalés de quelques centièmes de secondes, guidés par l’incarnation de la voix de Jef’s, celle d’Alexandre Bernhardt. Mais tout n’a pas besoin de traduction simultanée. De la théorie du Big bang en passant par l’imitation d’un playmobil à une interprétation de ô Toulouse de Claude Nougaro, version mixte entre LSF, mime et véritable chorégraphie, Sourd toujours est un spectacle surtout visuel mais complet. Si on oublie quelques imitations un peu trop faciles – notamment celles des femmes – et quelques scènes trop loufoques, le spectacle fait rire sourds comme entendants.

Jef’s prétexte les questions de son enfant pour s’interroger sur le monde qui nous entoure, jonglant tout à tour entre son rôle, son propre fils et ce qu’il décrit, pour un effet légèrement schizophrène mais très dynamique ! Lorsque son fils lui demande comment sa petite soeur peut se trouver dans le ventre de maman, il répond que c’est parce que maman et papa se sont fait un bisou… Et pourquoi ? Parce qu’ils s’aiment… Et pourquoi ? Parce que l’assemblée des anges s’est regroupée pour décider qu’ils seront amoureux et Cupidon a lancé deux flèches, l’une dans le coeur de papa et l’autre dans le coeur de maman. Mais alors pourquoi mon copain, ses parents ils s’aiment plus ? Parce qu’avec la crise, les flèches ont été fabriquées en Chine et comme elles sont de mauvaise qualité, elles finissent par se casser… Un véritable casse tête chinois pour répondre à cet enfant qui, comme tous les autres, pose beaucoup trop de questions. Il le dit lui même : “Avec « Sourd, toujours », on part dans la folie !”. Une folie maîtrisée par un comédien généreux avec son public. “Maintenant mon rêve serait d’aller avec Alexandre à L’Olympia !”.