Né en Irlande et réinventé aux Etats-Unis dans les années 1990, le bike polo connaît un succès croissant auprès des amateurs de sports alternatifs. A Toulouse, une poignée de passionnés a créé, il y a quatre ans, une association pour fédérer les joueurs de la ville. Aujourd’hui, ils s’entraînent trois fois par semaine au sein du complexe sportif du quartier Bellefontaine. « Univers-Cités » est parti à la découverte de cette discipline méconnue.

Séparés en deux équipes de trois, les joueurs de bike-polo ont dix minutes pour marquer cinq buts. / Photo JTB

Sur les courts de tennis du complexe sportif Valmy de Bellefontaine, il y a les Roger Federer en puissance, qui agrippent leurs raquettes avant de s’élancer pour marquer le point… Et les adhérents de l’association « Toulouse Bike Polo ». Sur leur terrain, pas de filet ni de balles jaunes en vue, mais deux cages de buts, des maillets et autant de vélos choyés en prévision de chaque match. Au programme de ces entraînements de bike polo, une dizaine de minutes de corps à corps, de dérapages et parfois de chutes, dans un seul et même objectif : marquer cinq points afin de remporter la partie. Le tout, sans jamais poser un pied au sol, sous peine de sanction.

Ce sport périlleux, requérant adresse et maîtrise du vélo, malgré l’apparente modernité du terme, est en réalité déjà centenaire : « Le bike polo est un dérivé du polo sur gazon, né en Irlande à la fin du XIXe siècle, raconte Felix, l’un des premiers à avoir rejoint l’équipe toulousaine. A cette époque, des ouvriers, tous amateurs de polo, ont décidé d’utiliser une bicyclette à la place du cheval, parce qu’ils n’avaient pas les moyens de s’en acheter un. Cela a donné naissance, en toute logique, au polo à bicyclette. Mais il a fallu attendre les années 1990 avant que les coursiers américains de Seattle n’inventent la version actuelle du bike-polo, qui se pratique uniquement sur le bitume. »

THE EHBPC HIGHLIGHTS from Paris Bike Polo on Vimeo.

Alternatif, confidentiel… mais surtout en plein essor

Importé en France à la fin des années 2000, le « Hardcourt Bike Polo » reste, pour l’heure, une discipline de pionniers. Lié à l’univers du pignon fixe de par son histoire, ce sport de rue, le premier à se jouer en équipe, a été initialement le fait d’une communauté d’amateurs de fixie menés par des graphistes parisiens. Une confidentialité dont les joueurs toulousains prédisent pourtant déjà la fin : « Le fait que le pignon fixe ne corresponde plus à nos besoins permet de brasser une population plus large, depuis les amateurs de vélo jusqu’aux amoureux de sports alternatifs, confie Paul, co-président de l’association toulousaine avec Alex, qui a introduit le bike polo dans la Ville rose en publiant une vidéo de démonstration sur Internet. C’est une bonne chose : notre but n’est en aucun cas de rester hermétique et élitiste. »

A Toulouse, première ville de France où les joueurs s’entraînent sur un court municipal, l’association a enregistré cette année son plus gros nombre d’adhérents, environ trente personnes : « Les clubs ont appris à communiquer auprès des médias, s’amuse Felix. Et puis le fait d’avoir un terrain attitré rend la démarche plus ‘‘conventionnelle’’. Avant, il y a trois ans, on allait de ci, de là, en squattant des lieux d’où on finissait inévitablement par se faire expulser ! »

Le choix d’un court de tennis n’a rien d’anodin : il correspond à la taille moyenne d’un terrain de bike polo. / Photo JTB

Où sont les femmes ?

Du futur steward à l’électrotechnicien, en passant par le traducteur et le réparateur de vélo, le bike polo attire une population jeune et tentée par le côté novateur de la pratique : « En ce qui me concerne, le facteur vélo était essentiel. Mais inconsciemment, j’ai aussi été séduit par le fait qu’il s’agit d’un sport atypique, qui sort de l’ordinaire, se souvient Anthony, 26 ans, autre pionnier à Toulouse. Aujourd’hui, c’est une addiction. Toutes mes économies passent dans mon équipement, ou dans les voyages que l’on organise ensemble pour participer aux compétitions ! »

Mais s’il est bien une catégorie qui semble insensible au phénomène bike polo, ce sont les filles. A Toulouse, elles ne sont que quatre sur l’ensemble des membres de l’association. Pourtant, pas de quoi crier au scandale, selon Paul : « Non, nous ne sommes pas des machos de base. Je pense que l’absence de filles se justifie par le caractère très physique de cette discipline. Ce qui rebute d’ailleurs aussi des hommes ! Cela dit, les choses risquent, une fois encore, de changer. Pour preuve, des tournois 100% féminins existent déjà, comme le Hell’s Belles en Europe ou le Ladies Army aux Etats-Unis, où les joueuses de bike polo sont légion. Ce n’est donc qu’une question de temps. »

HELL’S BELLES Vol.3 – BARCELONA (Official Video) from Thelema Artworks on Vimeo.

Rester libre

S’ils sont satisfaits d’accueillir des nouvelles recrues dans l’association, les joueurs du Toulouse Bike Polo jugent toutefois d’un œil plus critique la possible institutionnalisation de leur sport. En cause, une forme de rigidité qu’ils jugent néfaste : « Les règles changent au fil du temps et selon les pays, même si certaines restent, heureusement, constantes ! explique Paul, qui participe aux compétitions au sein de l’équipe « Call me Daddy ». C’est la même chose pour notre équipement : chaque vélo, chaque maillet, est différent. Il n’existe pas de système d’homologation dans notre sport. D’ailleurs, employer le terme même de ‘‘sport’’ est une erreur. D’un point de vue formel, le bike polo n’existe pas… Et ce n’est sans doute pas par hasard. Il est vrai que le fait d’être reconnu en tant que sport, et d’être rattaché à la Fédération de cyclisme, aurait des avantages : plus de visibilité, de meilleures infrastructures, des subventions, etc. Mais la liberté dont on jouit nous convient plus encore. »

Plus proche, en fin de compte, des XGames américains que des sports tels que l’on les envisage en France, le bike-polo repose sur un ensemble tentaculaire de compétitions nationales, européennes et mondiales. Des exercices auxquels les Français, et notamment les Toulousains, brillent actuellement. Flanqué de deux partenaires parisiens, Paul a ainsi remporté trois fois les championnats de France, deux fois ceux d’Europe, et une fois ceux du monde à Genève, en 2012. Preuve que l’affaire roule plutôt bien pour le bike-polo français.

« Toulouse Bike Polo » : entraînement les mardis, jeudis et dimanches. 15€ cotisation à l’année avec prêt de matériel. Toutes les informations sur la page Facebook de l’association et sur son forum.