Dalles de granits noir substituées au macadam cahoteux de naguère, espace urbain épuré de l’omniprésence des voitures, le centre ville toulousain respire. C’est même l’Oramip qui le dit : entre 2011 et 2013, la pollution y a baissé presque de moitié…

Fer de lance de la municipalité à son arrivée aux commandes en 2008, le projet constituait un espoir de « pacification » du centre ville à travers un meilleur partage de l’espace urbain. Trois ans après, cet ambitieux projet a-t-il gagné son pari?

« Une belle amélioration »

Du coté des piétons, ils sont pour la plupart séduits par le nouveau visage de la ville rose.« C’est une belle amélioration du centre ville», confie Magalie. « J’ai redécouvert les rues Pargaminière, Gambetta, la Daurade… L’espace est mis en avant et il y a une meilleure visibilité de l’architecture ». Un constat partagé par Sonia, Toulousaine depuis un an. « Ça a mis du temps, mais c’est bien ». Elle salue particulièrement les aménagements des places, la construction de bancs, qui ont amené « de la vie, là où il y en avait pas».

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Chez les commerçants, le constat est mitigé. Rue Suau, le nouvel agencement permet une meilleure visibilité des terrasses, et la fréquentation a nettement progressé. Dans la rue Pargaminière, on décèle une once de déception. Bien sur, on ne regrette pas l’ancien visage passablement chaotique d’une rue bruyante, polluée, et toujours plus conflictuelle entre piétons, voitures et vélos. Pour Marjorie Martin, responsable de plusieurs bars de la rue, le bilan est «globalement positif.» Néanmoins, si la rue est « plus jolie et plus attractive », plusieurs aspects tempèrent l’enthousiasme des commerçants. Car dans la série « travaux à Toulouse », l’épisode « piétonnisation » n’est pas allé sans son lot de désagréments. Leur longueur a été un coup dur pour les commerçants. « Moins 30 à 40 % de chiffre d’affaire en moins », estime Ben Ammar, gérant de l’Oasis, pour qui « ça ne valait pas le coup ». Autre point de discorde : les voitures. Mélanie Boudier, à l’instar d’autres commerçants, aurait voulu la rue 100 % piétonne. « Les voitures continuent de rouler vite et se garent n’importe où car rien n’est signalé », déplore-t-elle.

Des « zones de rencontres »

La refonte du centre ville s’articule en réalité autour de deux axes. La piétonnisation à proprement parlé ne concerne que les rues de l’ancien cardo romain. Pour le reste, le choix a été fait de la mise en place de « zones de rencontre ». Né dans les années 1970 aux Pays-Bas, le concept fait son apparition en France en 2008. Espace partagé, il s’agit d’un statut à mi-chemin entre la zone piétonne et la zone 30. Aucune délimitation n’est prévue pour les voitures, vélos, et piétons. Si ceux-ci y ont la priorité, le maître mot est la cohabitation entre les différents modes de déplacement. La voiture n’y est pas exclue, mais limitée à 20 km/h.

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Or, force est de constater que la cohabitation au sein des « zones de rencontres » s’avère problématique. Vélos slalomant au ras des coudes des piétons, passages des voitures au dessus de la limite autorisée, la voie vers la « cohabitation pacifiée » semble être semée d’embûches. Du coté de la mairie, on tente de répondre à ces problèmes, via la mise en place d’un « service de l’espace public » et de « médiateurs » au sein de ces zones. Pour Jean-Charles Valadier, adjoint au maire en charge des aménagements urbains, «Il faut apprendre à cohabiter».

Il faut dire que la question des transports est le lieu d’expression d’intérêts aussi divers qu’antagoniques. Si, avant les travaux, le constat d’un centre ville saturé et problématique était partagé par tous, les solutions sont loin de faire l’unanimité.

Entre pro-voiture, pro-cycliste et pro-piéton, difficile de donner satisfaction à tous. Pour Jean-Charles Valadier, changer la ville et ses usages ne peut passer que par le compromis, dans une ville où la voiture représente encore « 65 % des déplacements ». Si les réalisations sont lentes et difficiles à mettre en place, une chose est sûre : la dynamique de transformation des espaces urbains est en marche…