L’art contemporain a investi les musées et les lieux patrimoniaux de Toulouse. Dans le cadre du festival du Printemps de Septembre, une quarantaine d’artistes présentent leurs œuvres au public sous la direction de l’historien et critique d’art, Paul Ardenne. Le thème de cette année est l’Histoire.

Christoph Draeger - Black September, installation vidéo (2002)
Christoph Draeger – « Black September », installation vidéo (2002)
Crédit photo : Nicolas Brasseur, Le Printemps de Septembre 2012

« L’Histoire est à moi ! ». L’Histoire est à la fois universelle et singulière. Nous sommes tous déterminés par une Histoire commune, celle du monde. Mais chacun d’entre nous écrit sa propre histoire, la façonne et la fait vivre. Chaque individu évolue dans le monde en fonction de ses propres valeurs, de ses propres expériences et s’approprie l’Histoire. Les artistes du XXIe siècle sont les témoins de moments historiques. À travers leurs œuvres, ce sont des micro-récits qu’ils nous racontent. L’artiste parle avant tout de lui, de son ressenti historique.

Le Printemps de Septembre s’attache à montrer que la conception de l’Histoire est individualisée tout en étant sujette à mutations. Les expositions du festival tournent autour de l’Histoire dans l’art et de l’art dans l’Histoire.

AES+F - The feast of Trimalchio, Allegory#3 (Triumph of Africa) (2010)
AES+F – « The feast of Trimalchio », Allegory#3 (Triumph of Africa) (2010)
Crédit photo : Nicolas Brasseur, Le Printemps de Septembre 2012

Paul Ardenne, historien et critique d’art

« L’art le plus intéressant ? Celui toujours, qui ébranle ou brise nos certitudes esthétiques ». Paul Ardenne est un critique d’art et muséologue français, spécialiste de l’art contemporain, d’esthétique, de l’art vivant et de l’architecture. Il est également agrégé d’histoire et docteur en histoire de l’art. Le Printemps de Septembre, c’est l’occasion pour lui de réunir deux domaines qui lui tiennent à cœur : l’histoire et l’art contemporain.

« Tout être humain naît fondu dans une « histoire », dépendant d’elle. Nous appartenons à un moment historique, à une culture qui est un héritage avant d’être une promesse » affirme Paul Ardenne. « L’édition 2012 du Printemps de Septembre s’attache à répondre à ces questions : comment, aujourd’hui, l’artiste plasticien traite-t-il de l’Histoire et de sa propre place dans l’Histoire ? Sur quels faits, saillants ou non, récents ou pas, son attention se fixe-t-elle ? ».

David et Peter McDermott & McGough - There wasn't a thing left to say 1965 (2006)
David et Peter McDermott & McGough – « There wasn’t a thing left to say » 1965 (2006)
Crédit photo : Nicolas Brasseur, Le Printemps de Septembre 2012

L’histoire du festival

Tout commence en 1991. Marie-Thérèse Perrin décide de partager sa passion pour la photographie avec le grand public en créant le Printemps de Cahors dédié à la photographie plasticienne. Elle fait alors appel à des directeurs artistiques de renom pour assurer la programmation du festival.

L’objectif était d’exposer dans des lieux insolites, développer le concept du Parcours Nocturne, complété très vite par le spectacle vivant avec les Soirées Nomades, afin d’attirer un public de novices ou d’initiés dans une ville difficile d’accès. La gratuité s’imposait pour motiver une population peu sollicitée par des propositions culturelles.

Au fil des ans, le Printemps de Cahors est devenu la référence des festivals dans le domaine de la photographie plasticienne en France et en Europe.

En 2001, pour les besoins de son développement, le festival s’implante à Toulouse et se dote de lieux d’exposition et de spectacles plus grands et plus adaptés.

Jean-Yves Jouannais raconte les guerres

Critique d’art et rédacteur en chef de la revue Art Press pendant neuf ans, Jean-Yves Jouannais a choisi en 2008 de se consacrer jusqu’à sa mort à un unique projet : élaborer une Encyclopédie des Guerres dans le désordre alphabétique, par ajouts constants et allers et retours dans le temps de l’Histoire humaine.

Il n’a pas connu la guerre mais il effectue un travail de recherche incessant. Il lit des livres et regarde des films sur la guerre. Les armes, les batailles et les stratégies de combat n’ont plus de secret pour lui. Il s’immerge complètement dans son sujet pour faire vivre l’Histoire à travers ses œuvres. Au fil de ses lectures, l’artiste recueille des bribes de phrases, des termes, des images, des légendes et des anecdotes qui prennent la forme d’une véritable encyclopédie.

À l’occasion du festival, Jean-Yves Jouannais expose des murs de fiches de l’Encyclopédie des Guerres au musée des Abattoirs.

Jean-Yves Jouannais - Encyclopédie des guerres, dispositif d’exposition : Comment se faire raconter les guerres par un grand-père mort (2012)
Jean-Yves Jouannais – « Encyclopédie des guerres, dispositif d’exposition : Comment se faire raconter les guerres par un grand-père mort » (2012)
Crédit photo : Nicolas Brasseur, Le Printemps de Septembre 2012

Gianni Motti, l’usurpateur de l’Histoire

Pour décrire l’Histoire, Gianni Motti s’approprie les événements politiques. Il a choisi de présenter des expositions en hommage aux prisonniers de Guantanamo. Son engagement politique l’a poussé à être candidat à la présidence des États-Unis et à usurper un siège à l’ONU. L’artiste milite pour la restitution de Guantanamo à Cuba. Cette baie cubaine est occupée par les États-Unis en vertu d’une convention établie en 1903 mais régulièrement dénoncée par Cuba, dont le gouvernement, depuis 1959, n’encaisse plus les chèques qui lui sont adressés annuellement par le Trésor américain pour la location de la baie.

L’œuvre présentée par Gianni Motti dans le cadre du festival s’intitule « The victims of Guantanamo Bay ». Elle consiste en une série de plaques commémoratives dédiées aux prisonniers du centre de détention américain. La liste de noms, gravés dans l’acier par ordre alphabétique, est celle des 759 personnes qui étaient encore détenues en 2007. Les États-Unis avaient dû publier la liste complète des prisonniers, suite au recours de l’agence Associated Press, au nom de la Loi américaine sur la liberté de l’information.

« Je veux créer l’art en oubliant l’art, je veux faire un travail qui parle par lui-même et qui ait du sens » a affirmé l’artiste. Parler des événements historiques et politiques à travers l’art, tel est le créneau de Gianni Motti qui se vend le témoin de son temps. Son oeuvre est exposée à l’espace d’art contemporain, Lieu-Commun.

Gianni Motti -
Gianni Motti – « The Victims of Guantanamo Bay » (Memorial) (2006)
Crédit photo : Nicolas Brasseur, Le Printemps de Septembre 2012

Le Printemps de Septembre fête cette année sa 22ème édition depuis sa création en 1991. Le festival se poursuit jusqu’au 21 octobre avant de revenir en mai 2013 pour une nouvelle édition.

La programmation 2012