De skieurs marginaux il y a encore une décennie, les riders sont-ils aujourd’hui pris au piège d’un sport de masse dont les grandes marques à la mode tiennent le devant de la scène? L’épanouissement personnel, hors contraintes, explique l’attrait des jeunes vers ces nouvelles pratiques ainsi que le développement de la culture associée à ces disciplines. La mode des vêtements adaptés à ces sports, la musique, les spots, sont autant de signes de ralliement communautaire. Art de vivre générationnel ou marketing industriel? Les entreprises professionnelles de la glisse exploitent très largement ce filon d’une culture en rupture avec les sports traditionnels et par ailleurs très exigeante techniquement.snowborddelerue.jpg

Le plaisir et la convivialité originels des snowboarders cèdent progressivement le pas à la concurrence. Par le biais du sponsoring, les marques s’approprient inéluctablement les riders. Sauf peut-être en freeride où les compétitions sont rares, voire inexistantes. Les prestations sont très difficiles à évaluer : le but est de descendre à flanc de montagne avec pour seul objectif de s’accomplir, dans la recherche d’une pratique parfaite de son sport. La quête du moment parfait anime ces freeriders. Loin des pistes balisées et profitant librement des espaces naturels, ces snowboarders ont pour seul leit-motiv : «have fun !»

polodelerueID.jpg Figures emblématiques de ces nouvelles disciplines, les frères Xavier et Paul-Henri De Le Rue sont originaires de Saint Lary et véhiculent le dynamisme de leur fief familial jusqu’aux distinctions olympiques. Le boardercross faisait une entrée tonitruante dans l’olympiade avec « Polo », médaille de bronze aux JO de Turin en 2006. « Je suis un ouf’ et je ne réfléchis pas« , comme il le souligne, serait un résumé erroné de la culture snowboard.

Le champion de 23 ans, aguerri au circuit international, décrypte cet état d’esprit, son impact chez les jeunes et ses liens avec le marketing.

Par le biais du sponsoring, les industriels de la glisse, qui valident ainsi leurs innovations techniques, se sont appropiés nombre de riders. Existe-t-il encore une culture « nouvelles glisses » accessible à tous ?
_ «Dès le début du snowboard, les industriels se sont servis des élites pour centrer leur communication sur ces sportifs et ainsi séduire le jeune public. Ces grandes figures des sports de glisse ont ensuite véhiculé le développement technique des matériels. Ce lifestyle s’est ensuite mondialement développé autour de marques telles Columbia sportswear, Bolle, entre autres. Le mimétisme des 12-24 ans vis à vis de ces riders professionnels se traduit par un art de vivre bien réel aujourd’hui. C’est un cercle vertueux.»

Le freeride, particulièrement spectaculaire, s’affranchit des pistes skiables balisées. Quel discours pédagogique peut-on tenir à l’encontre de skieurs pas toujours expérimentés, mais avides de sortir des sentiers battus ?
_ « Il faut avant tout prendre le temps, ne pas être trop pressé en ne brûlant pas les étapes, et énormément d’entraînement. Une excellente condition physique ainsi que le port du casque permet bien sûr de se prémunir contre l’accident. Pour le reste, have fun !»

La France compte d’immenses champions dans ces nouvelles disciplines (le précurseur Edgar Grospiron, Isabelle Blanc, Sandra Laoura, votre frère et vous). Sans parler de querelle « anciens contre modernes », que penser de la couverture médiatique de ces sports, en dehors des grands événements, par rapport au ski alpin classique?
_ « Il faut croire que le public français a des attentes bien différentes de notre cible 12-24 ans ! Il veut voir les sportifs travailler dur, pour des résultats nationaux. Les riders, tous horizons confondus, sont eux à la recherche de plaisir et de sensations fortes, de plus de légèreté mais dans l’esthétisme : le style, pour les jeunes accros de la culture nouvelles glisses est primordial. Les sportifs dans nos disciplines représentent toutes ces valeurs. Il ne faut pas oublier qu’ils sont de plus en plus professionnels et que leur pratique, comme leur gestion médiatique, demandent beaucoup de rigueur , même si l’esprit « rebel » est encore bien présent.
_ Aux Etats-Unis, les moyens mis en œuvre autour de ces sports sont extraordinaires et les retombées génèrent de conséquents bénéfices. Il est dommage qu’en France nos sports ne soient d’avantage évoqués par les grandes chaînes de télé. En dehors des JO, de très rares émissions diffusent nos disciplines et c’est un frein à notre développement en France. Les marques liées aux sports de glisse n’ont pas le poids publicitaire des équipementiers du foot ou du rugby, et restent comparativement marginales.
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