Le culte des morts est aussi ancien que l’est l’être humain. Les générations primitives n’ont pas attendu l’arrivée des philosophes pour envisager la mort et honorer leurs défunts. En effet, les hommes préhistoriques, déjà, pratiquaient l’ensevelissement des corps et les premiers homos sapiens sapiens honoraient leurs disparus par des rites funéraires. Ainsi, bien avant l’instauration de notre fête annuelle, nos ancêtres montraient, eux aussi, affection, tristesse et regret devant l’inévitable… Aujourd’hui, le recueillement dans les cimetières est devenu un rendez vous national. Véritable institution, la Toussaint est globalement suivie dans le pays. Et si, avant d’aller orner les cimetières nous nous demandions d’où nous vient cette pratique ?

Les martyrs avant les saints

La fête de la Toussaint ne tire pas son origine des textes bibliques, contrairement à Noël, Pâques ou la Pentecôte. Elle a été instituée par l’Église et inspirée de pratiques étrangères. C’est en Orient que l’on trouve l’origine première de notre Toussaint. Puisque-là bas les martyrs étaient célébrés depuis le IVième siècle, il fallait en faire autant en France. Ainsi, avant d’être une fête de tous les saints, notre tradition était une fête de tous les martyrs, célébrée le 13 Mai. Si elle a par la suite évolué, c’est parce que l’église s’est trouvée confrontée à une tradition celtique forte et dérangeante : la Saint Samain.

Sans_titre4.jpgLes Celtes divisaient en effet l’année en deux phases : l’hiver et l’été. Le passage de l’une à l’autre de ces périodes se faisait le 1er Novembre, lors de la fête de Samain. Fête de passage donc, elle sonnait le départ d’une nouvelle gestation. Mais l’entrée dans la période sombre de l’année était aussi une fête des morts, un moment où il était possible de communiquer avec eux. Samain n’appartenait ni à l’année qui se terminait ni à celle qui commencait : c’était un jour en dehors du temps qui permettait aux vivants de rencontrer les défunts. Ainsi le 31 octobre au soir, la porte qui sépare le monde des vivants de celui des morts s’ouvrait : les paroles, les actes et les pensées des vivants arrivaient jusqu’aux trépassés, qui, à leur tour, pouvaient rejoindre le monde des vivants. C’est là d’ailleurs l’origine de la fête d’Halloween pendant laquelle les citrouilles ou les déguisements incarnent ces esprits échappés des tombes.

Les martyrs remplacés par les saints pour contrer la fête de Samain

croix-3.jpgUne pratique aussi centrée sur les morts que l’était la Saint Samain n’était pas du goût de l’église. Pour lutter contre cette tradition qui se propageait, les catholiques ont cherché à la contrer avec une autre fête plus convenable. Dans ce but, ils décidèrent de rendre hommage aux saints, à tous les saints, à la date à laquelle les celtes fêtent l’hivers. En 835, sur ordre de l’empereur Louis le Pieux, fils de Charlemagne, la fête des martyrs du 13 Mai devient la fête de la Toussaint, datée au 1er Novembre en France. Peu à peu, toutes les Églises occidentales adoptent cette date et c’est le Pape Pie X (en 1914) qui fait de la Toussaint une « fête d’obligation », c’est à dire que les fidèles se doivent d’assister à la messe d’hommage envers les saints.

Le Jour des Morts (le 2 novembre) est donc bien différent de la Toussaint (le premier novembre) qui se veut être une fête joyeuse. Celle-ci marquant le rassemblement plus que la rupture : ceux qui sont et ceux qui ne sont plus se retrouvent, dans l’espoir qu’un jour ils seront réunis. Le jour liturgique de prière pour les défunts n’est pas la fête de la Toussaint mais le lendemain. Comme le 2 novembre n’est pas un jour férié, alors que le 1er novembre l’est, c’est le jour de la Toussaint que beaucoup vont au cimetière, pensant que ce 1er novembre est la journée de commémoration des êtres disparus.

Du coté des commerçants

Expérience catholique, personnelle ou autre, chacun vit cette tradition à sa manière. Mais du coté des supermarchés, horticulteurs et fleuristes c’est aussi devenu une occasion de remplir les tiroirs caisse. Le marché du Chrysanthème explose à l’approche de la Toussaint. Selon une enquête de l’Office National interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l’horticulture de 2005, les trois quarts des ventes de cette fleur en pot se font en octobre. Un marché qui représentait un montant de 182.7 millions d’Euros l’an dernier, soit environ 5% de plus qu’en 2004. Les services ont évolué et il est désormais possible, par exemple, de faire livrer les fleurs directement sur les tombeaux, sans sortir de chez soi. Aurait on oublié l’origine spirituelle de notre tradition ?

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Citation :
« La Toussaint est le jour où les morts de demain vont rendre visite à ceux d’hier. » Henri Duvernois