Dans la nuit du 14 au 15 février 2024, un homme met le feu à un véhicule, sur la commune de Saint-Lys, à l’ouest de Toulouse. Une histoire de règlement de comptes pour laquelle il est condamné à 18 mois d’emprisonnement par le tribunal de Toulouse le 5 avril 2024.

« Pour trois snapchats d’insultes, vous décidez de mettre le feu à la voiture de la mère d’Antoine* », lance la procureure. Elle s’adresse à Thomas*, 22 ans, connu des forces de police et jugé pour destruction par moyens dangereux. Cela fait plus d’un an qu’il est en conflit avec Antoine. La situation est complexe, le dossier épais. Pendant plus de 30 minutes, la présidente rappelle les faits et explique les moindres interactions du prévenu jusqu’au déroulement de la soirée du 14 février. 

La salle d’audience est remplie pour le procès de Thomas. Un peu après 2 heures du matin, le 15 février dernier, le jeune homme met le feu à une Audi A3 à Saint-Lys. Le véhicule appartient à la mère de son « ennemi », Antoine. Un peu plus tôt dans la journée, alors que les deux hommes se croisent à la halle de Saint-Lys, Antoine aurait dit au prévenu « ce soir, dors bien ». Des paroles qui le « font péter un plomb ». Avec un ami, ils s’emparent d’un bidon d’essence, le remplissent à la station service du coin et empruntent le véhicule d’un homme âgé. Devant l’Audi, tout va très vite. Thomas asperge le véhicule d’essence, fait couler le liquide au sol pour s’éloigner de la voiture et jette un briquet. L’Audi s’enflamme. Le jeune homme s’en va, « mort de rire », selon son complice présent au moment des faits. La Présidente demande alors au prévenu s’il est conscient que le feu aurait pu se propager dans l’immeuble. « Ça aurait pu mettre en danger les familles qui vivent dans la résidence. » Mais Thomas n’y pense pas au moment des faits : « Pour moi, le feu n’allait pas prendre de l’ampleur. »

« Il y a de la justice dans cette histoire »

Thomas, à la barre le 05 avril 2024

L’expertise psychiatrique ne joue pas en sa faveur. Décrit comme instable, Thomas suit un traitement qu’il arrête en 2021. Un choix qui questionne la Présidente : « Monsieur, on n’arrête pas son traitement parce qu’on en a envie. C’est quelque chose de sérieux. » Il se défend en expliquant que « les effets secondaires des médicaments l’empêchent de travailler ». Dans son rapport, le psychiatre souligne également une absence de remords face à son délit et un discours victimaire. Un état d’esprit qui persiste pendant l’audience : « Il y a de la justice dans cette histoire », affirme le prévenu. Ces paroles confirment l’expertise psychiatrique et l’explication de son acte par la vengeance pour la Présidente.

Une odeur de vengeance

Pendant la plaidoirie, le père de l’accusé se lève, sort puis revient plusieurs fois. Parfois, des gens parlent, ramenés au silence par d’autres avocats présents. Le prévenu tente de justifier son acte auprès de la Présidente : « Je n’étais pas dans mon état normal. J’ai eu peur, je voulais protéger ma copine. » Avant de poursuivre : « Il me harcelait, me menaçait. Il avait même brûlé ma voiture. J’ai déposé plainte plusieurs fois. À chaque fois, elles ont été classées sans suite. » Ce à quoi la Présidente répond : « On ne se fait pas justice soi-même dans ce pays, Monsieur. Il existe d’autres voies de recours. Vous pouvez vous constituer partie civile. » Un climat de conflit présent entre les deux hommes depuis plus d’un an, exposé par l’avocate de la défense. « À plusieurs reprises, Antoine a menacé de mort la petite-amie de mon client. Il s’est aussi rendu devant son domicile et a foncé en voiture sur Thomas et son père. » Elle plaide la responsabilité de son client mais demande également de prendre en compte ces éléments.

« Pour un mauvais regard, il a décidé de brûler un véhicule »

La procureure générale lors de l’audience de Thomas

« Vous justifiez donc votre acte par la vengeance ? », demande la Présidente au prévenu. Thomas répond par l’affirmative : « J’ai décidé de mettre le feu pour qu’il n’y ait plus de problème. » Des arguments irrecevables pour la procureure générale : « Nous ne sommes pas dans une cour de récréation. Ce n’est pas “il m’a fait ça donc je le lui fais aussi.” » Elle poursuit : « Pour un mauvais regard, il a décidé d’aller brûler le véhicule de la mère d’Antoine. Nous sommes au niveau zéro de réflexion là. » La procureure souligne aussi que pendant sa garde à vue, le prévenu minimise sa responsabilité. Il tente même de faire tomber son acolyte et ami, qui a pourtant refusé de mettre le feu au véhicule car ça allait « trop loin » pour lui. Thomas aurait alors réagi en déclarant : « De toute façon, tu n’as pas de couilles. » Pour la procureure, ce n’est pas une victime. Au contraire, « il a orchestré une version pour se mettre hors de cause. Sans hésiter à faire couler son ami au passage ». Un acte pour lequel elle demande deux ans d’emprisonnement, un suivi socio-judiciaire obligatoire de la même durée ainsi qu’une interdiction de paraître à Saint-Lys pendant trois ans.

18 mois de prison ferme

Après presque deux heures d’audience et 15 minutes de délibération, le verdict tombe : le prévenu écope de 18 mois de prison, accompagnés d’un suivi socio-judiciaire et d’une injonction de soins psychiatriques. À cette peine s’ajoute un dédommagement matériel pour le véhicule brûlé et les dégâts causés à la résidence. Il a aussi l’interdiction de paraître sur la commune de Saint-Lys pendant trois ans et d’entrer en contact avec Antoine et sa mère. Une annonce qui irrite le père du prévenu. Le public s’agite, la mère et la sœur sortent, la larme à l’œil. Peu à peu, la salle 4 du palais de justice se vide. Il est temps de passer à l’affaire suivante.

*Les prénoms ont été modifiés.

Crédit photo : Photograph of a Burning Car, Rodrigo Texeira, creative commons

Avec Hugo Moutet-Joyeux