Au cœur du quartier de la Reynerie, à Toulouse, se tient tous les jours un vaste marché illégal. Ses prix dérisoires attirent une foule d’acheteurs, au grand dam des riverains, excédés, et de la municipalité.

Dès la sortie du métro, le bruit de la foule fait comprendre l’ampleur du phénomène. Face au lac et coincée entre des immeubles vieillissants, la place André Abbal du quartier de la Reynerie abrite un grand marché illégal. Il s’est d’abord déployé après le marché officiel du jeudi, mais cela fait des années maintenant que les vendeurs à la sauvette y font leurs affaires presque tous les jours. En particulier le dimanche lorsque la place est noire de monde.

Ce vendredi matin, les acheteurs sont nombreux, venus de tout Toulouse pour faire leurs courses à des prix bradés. La place ressemble à un vide grenier clandestin. Tout se passe au ras du sol. Certains vendeurs étendent des bâches et des couvertures qui font office d’étals, quand d’autres s’accommodent de cartons retournés en guise de présentoir. Des vélos aux conserves de sardines, en passant par des cigarettes et des légumes, on y trouve de tout.

Une concurrence déloyale

Le lieu n’est pas bondé sans raison. L’œuf coûte 10 centimes (contre 24 centimes en grande surface), des chaussures de marque moins de 10 euros et un vélo pour pas plus de 30 euros. Il y a même un vendeur de perruches qui déambule avec une grande cage en proposant ses oiseaux aux passants. En fait, « aucun prix n’est fixé, c’est un peu à la tête du client et tout se négocie » confie une acheteuse. « Tout se paie en liquide et ils ne déclarent rien », déplore un riverain en colère, en s’éloignant de la place.

C’est aussi un problème et un manque à gagner pour les commerces du coin. Beaucoup de personnes qui achètent au marché sont des clients en moins pour ces boutiques de proximité. Le gérant de l’une d’elles admet que les vendeurs à la sauvette ont « des prix imbattables », mais dénonce « la provenance douteuse » de leurs produits.

Une répression inefficace ?

Les marchands clandestins ne paient aucun frais d’emplacement et le désordre provoqué par ces marchés illégaux exaspère la municipalité. Pour tenter de dissuader les vendeurs, les rondes de police se multiplient. Quand une voiture passe, la foule se crispe et au loin, le bruit des objets rangés à la hâte résonne.

Si certains ne semblent pas inquiétés par la présence des forces de l’ordre, d’autres plient boutique en quelques secondes. Ils attrapent les quatre coins de la bâche et s’écartent avec le baluchon sur les épaules. « La police nationale fait de plus en plus de contrôles et de perquisitions », témoigne un jeune du quartier qui assiste quotidiennement à ces scènes. « Ils font venir un camion benne et jettent parfois toutes les marchandises », poursuit-il.

Même si l’affluence a diminué depuis quelque temps, les vendeurs reviennent toujours. Plus ou moins nombreux selon les jours et la météo mais ils sont encore là. À la fin du marché, la place est dans un état déplorable. « C’est dégueulasse !, s’énerve le jeune riverain. Quand ils partent ils laissent tout partout et les services de nettoyage ne passent pas systématiquement. »