Un collectif de quartiers s’est réuni lundi 22 janvier avec les pouvoirs publics pour examiner la problématique des déserts médicaux à Toulouse. Ils plaident pour une action urgente de l’État.

Depuis un an, le collectif des quartiers d’Arnaud Bernard, de Compans-Arcabe et de Chalets-Roquelaine milite pour la prise en compte des déserts médicaux dans les politiques publiques. La pétition lancée par le collectif en mai 2023 cumule plus de 12 000 signatures. Selon la mairie de Toulouse, plus d’un toulousain sur deux vit dans un désert médical. « La ville gagne entre 15 000 et 20 000 habitants chaque année, mais on estime que la métropole subira une perte de plus de 200 médecins dans les huit prochaines années », souligne Thierry Cardouat, le directeur départemental de l’Agence régionale de santé (ARS) de Haute-Garonne. Et pour cause, 42% des médecins exerçant à Toulouse ont plus de 60 ans et partiront à la retraite dans les années qui viennent.

Les collectivités territoriales démunies face au manque de médecins

Cette réunion a été l’occasion pour les acteurs publics concernés de s’exprimer sur cette problématique. Or, la mairie, le conseil départemental ainsi que la région n’ont pas de compétence propre sur les politiques de santé. « La santé, c’est régalien. L’État doit intervenir ! » explique Alain Gabrieli, conseiller départemental en charge des personnes âgées et handicapées. Le collectif des quartiers demande la mise en place d’un centre de santé dans la cité administrative à Compans-Caffarelli. Le bâtiment, propriété de l’État, doit être vidé d’ici la fin de l’année. L’ensemble des acteurs ont plaidé pour une action conjointe afin que l’État mette à disposition le foncier et investisse dans les politiques de santé.

En attendant une action de l’État et l’arrivée de nouveaux médecins, les collectivités territoriales peinent à exposer des solutions viables. La région finance des maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) rassemblant plusieurs professionnels de santé libéraux, mais affirme qu’elle « n’a pas été sollicitée au niveau de la métropole toulousaine », selon Emilie Dalix, conseillère régionale auprès de Carole Delga. Privé lui aussi de compétence en matière de santé, le conseil départemental mise sur le financement de campagne de prévention. Quant à la mairie, elle a pour ambition d’ouvrir une maison de santé pluridisciplinaire dans chaque quartier d’ici 2026.

« Et la régularisation des médecins étrangers hors UE présents sur le territoire ? » demande une voix dans la salle. « Ils n’ont pas le niveau requis pour exercer en France », répond Patricia Bez, conseillère santé à la mairie, provoquant des huées au sein du public. « Nous plaidons pour que les médecins formés hors Union Européenne soient intégrés dans notre système de santé », lui répond le député LFI Hadrien Clouet.

« Le territoire est attractif, nous espérons que de nouveaux médecins viendront s’installer dans les prochaines années »

Thierry Cardouat, directeur départemental de Haute Garonne de l’ARS

L’Agence régionale de santé, représentante de l’État, promet la mise en place de nouvelles MSP. L’ARS finance conjointement avec l’Assurance maladie (CPAM) des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Introduites en décembre 2023 dans la loi, elles regroupent des acteurs de la santé, du social et du médico-social pour répondre aux besoins spécifiques d’une population. « Nous voulons favoriser l’exercice coordonné des professionnels afin d’augmenter l’attractivité pour les médecins », explique Isabelle Comte, représentante de la CPAM de Haute Garonne. D’autres mesures sont envisagées : doubler le nombre de ligne de garde (sept actuellement dans le centre-ville) ou encore limiter le périmètre d’action de SOS médecins à l’agglomération. Finalement, Thierry Cardouat conclut : « Nous faisons le maximum, je suis conscient que ce n’est pas suffisant ».

« C’est très grave, la pénurie est partout »

Le collectif de quartiers a exprimé son soulagement lors de la réunion : « Les élus, les collectivités territoriales et l’État se parlent enfin. Nous voulons qu’ils travaillent ensemble » témoigne Anne-Lise, une des membres du collectif. Toutefois, malgré ces avancées, les habitants souffrent du manque de médecin. « Le 1e mars, un cabinet de généraliste ferme dans le quartier et il manquera trois médecins. Les médecins se déplaçaient lorsque les patients ne le pouvaient pas. Là les patients vont se diriger vers les urgences qui sont déjà surchargées. », explique Colette Berlan, infirmière au cabinet des Tiercerettes.

Les personnes fragiles ne sont pas les seules impactées, comme l’affirme Blandine Mariot, représentante du syndicat Union étudiante de Toulouse. Les étudiants ont accès seulement à de la médecine de prévention au Service interuniversitaire de médecine préventive et de promotion de la santé (Simpps). En effet, il est de plus en plus difficile pour les étudiants de trouver un médecin généraliste. « Il n’y a pas de gynécologues au Simpps et il n’a pas une capacité suffisante pour prendre en charge les services psychiatriques. Or, on sait que 80% des étudiants souffrent d’anxiété, de stress ou de dépression. » déclare-t-elle.

Les déserts médicaux, qui touchent depuis de nombreuses années les zones rurales, sont maintenant présents dans les métropoles, à l’image de Toulouse. Par exemple, l’Ile-de-France a perdu plus de 3 700 médecins libéraux en dix ans, faisant de la région l’un des plus grands déserts médicaux. Toulouse n’échappe pas à cette crise et le collectif qui se bat depuis un an n’a pas obtenu gain de cause. Pour l’instant, aucune réunion ou négociation avec l’État n’est prévue.