Alors que la demande pour une ville plus piétonne se fait grandissante, la Mairie de Toulouse envisage d’interdire le stationnement des voitures dans les contre-allées de l’avenue Etienne Billières. Ce projet serait une continuation du réaménagement de la rue de la République, et permettrait l’installation d’une Ligne Express Velo. Cependant, certains commerçants de l’avenue expriment leur réticence face à ce projet.
« Les rues piétonnes, soupire Emmanuel Desideri, fromager et riverain de l’avenue Etienne Billières, ça a toujours été un un sujet de discorde pour les commerçants. » Avec ce projet d’interdiction des stationnements dans les contre-allées de l’avenue, l’exception n’a toujours pas été trouvée. Rien n’est encore officiel, mais les commerçants sont déjà très inquiets. Pourtant, il semblerait que ce plan limiterait les passages des voitures, et libérerait de l’espace urbain. Alors où est le problème ?
DES DIFFICULTÉS DE LIVRAISON DE MARCHANDISE
Le premier point qui inquiète les commerçants de l’avenue Etienne Billières, c’est leurs difficultés futures à déplacer leur marchandise. En effet, nombreuses sont les petites entreprises et artisans qui dépendent des livraisons quotidiennes, que cela soit vers ou depuis leur magasin.
« Les commerçants sont un peu angoissés, c’est normal, concède Richard Mebaoudj, président de l’association 60 Millions de Piétons 31, qui défend les droits des piétons en Haute-Garonne. Pour les livraisons, des horaires précis devraient être aménagés, mais cela pose forcément des problèmes pour les artisans, qui doivent faire livrer leur marchandise. »
Emmanuel Desideri précise ce propos : actuellement, les commerçants se font livrer au milieu de l’avenue, faute de places dédiées. Une fois la contre-allée rénovée, c’est au milieu de la piste cyclable qu’ils s’arrêteront, autorisés par un décret municipal. Un choix complètement incohérent, selon le commerçant. M. Brandao, patron d’une boutique de fleuriste de l’avenue soutient ses propos : « Nous, on reçoit de nouveaux stocks tous les jours, et on livre des bouquets extrêmement régulièrement. Ce passage, il va être compliqué, et créer des accidents. »
Cet avis ne fait cependant pas consensus. Un bijoutier du quartier, lui, lève les yeux au ciel : « On ne pourra simplement pas rester garé plus de quinze minutes, comme c’est déjà le cas. Les réglementations sur les livraisons n’ont pas l’air de changer. » Il note tout de même qu’il n’est pas sûr de lui : « et les autres commerçants non plus, il ajoute. On a encore pas le projet final, juste quelques réunions d’informations. »
ETIENNE BILLIERES : LA BONNE AVENUE A PIÉTONNISER ?
« Honnêtement, soupire Emmanuel Desideri, je pense que c’est bien de supprimer des voitures. Ça a été fait dans beaucoup de villes, mais ici, ça ne peut pas marcher. »
En effet, cela fait longtemps que les associations piétonnes militent pour une interdiction du centre-ville de Toulouse aux voitures. Ils défendent un moyen de transport non polluant, confortable et bon pour la santé, qui permettrait aussi d’améliorer le paysage urbain. « Souvent, sourit Richard Mebaoudj, les commerçants sont un peu paranoïaques à l’idée de perdre de la clientèle. Mais à Etienne Billière, il faut admettre que c’est plus problématique qu’au centre-ville. »
En effet, l’avenue Etienne Billière est un des grands axes de la ville de Toulouse, et représente donc un lieu de passage très important pour les personnes qui habitent en banlieue. « Nous, explique Emmanuel Desideri, on a beaucoup de clients qui viennent de Saint-Simon (sud-est de Toulouse) ou même de Lardenne. » Ainsi, pour ce commerçant, la disparition des places de parking sur ce lieu de passage pourrait signifier une baisse importante de sa clientèle.
« La mairie compare l’avenue à d’autres quartiers, mais ici ce n’est pas le centre-ville,» déplore M. Brandao. Lorsqu’il a monté son magasin d’art floral, il y a deux ans, ce commerçant avait choisi ce lieu notamment à cause des nombreuses places de parking, et de la proximité des hôpitaux. Avec l’aménagement des contre-allées, c’est donc une grosse part de sa clientèle qu’il risque.
UNE COHABITATION PLUS COMPLEXE
La vraie peur des commerçants, c’est en fait de surcharger l’avenue. En effet, pour l’instant les cyclistes circulent quasi-exclusivement sur la route, permettant aux piétons et aux voitures stationnés de partager la contre-allée.
« Le problème, ce ne serait pas une piétonnisation, dit Emmanuel Desideri. C’est plutôt les vélos. Il y a déjà deux pistes cyclables sur l’avenue : on pourrait piétonniser les contre-allées, tout en laissant la place pour les livraisons. »
De son côté, Richard Mebaoudj admet, à regret, qu’il est difficile de réconcilier commerçants et projets de voies cyclistes ou piétonnes. « Il y a toujours des perdants et des gagnants, » dit-il. Cependant, dans le cas précis de l’avenue Etienne Billières, il avoue être réservé : dans ce type de quartier, qui est un grand lieu de passage, il lui semble radical de supprimer toutes les places de stationnement, surtout pour créer une voie de vélo. « On pourrait imaginer une contre-allée piétonne, à terme, mais laisser la priorité aux cyclistes semble dangereux et contre-productif, » conclut il.
La mairie n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Crédit photo : Kuremu Sakura, creative commons