Après une année 2018 exceptionnelle, les « Affamées » ont laissé leurs supporters sur leur faim. Tenantes du titre, elles terminent à la troisième place du tournoi des Six Nations. Gaëlle Hermet, capitaine du XV de France féminin et joueuse du Stade Toulousain, revient sur cette édition 2019 et sur l’avancée du rugby féminin. 

Comment avez-vous vécu le tournoi match après match ? 

Globalement c’est un sentiment mitigé qui ressort de ce tournoi par rapport aux résultats. Mais je pense qu’on a aussi acquis de l’expérience. On a appris beaucoup de choses, notamment sur les défaites contre l’Angleterre et l’Italie. On s’est beaucoup remises en question. Mais une remise en question bénéfique pour que l’on puisse progresser et ne pas perdre ces matchs qui sont importants.

Face aux Anglaises, vous vous attendiez à un match compliqué ? 

On s’attendait à un match difficile tant au niveau de l’intensité que du jeu. Le match était chez elles et on savait qu’elles seraient revanchardes du dernier tournoi. Tout ça on se l’était dit et on s’était préparées pour. Il y a donc eu beaucoup de frustration d’être passées à côté de cette première mi-temps. On n’a pas réussi à mettre notre jeu en place, on a été défaillantes dans certains secteurs, on a perdu beaucoup de ballons et c’est des choses qui peuvent nous faire perdre un match international. Sur la deuxième mi-temps, on a montré qu’on était capables de rebondir, mais un match dure 80 minutes et les 40 dernières n’ont pas suffi.

Attendiez-vous les Italiennes à ce niveau ? 

Les Italiennes sont montées en puissance sur ce tournoi. Cela fait des années qu’elles se préparent et clairement le niveau du rugby féminin progresse d’année en année. Pareil, même contexte : c’était un match à l’extérieur, le dernier du tournoi, et les Italiennes jouaient aussi la deuxième place. Donc on savait que c’était un match à enjeu. Clairement il faut se le dire, elles ont été meilleures que nous. Elles ont été performantes dans tous les secteurs de jeu et dans leur volonté de gagner. Nous on a pêché, on n’a pas réussi à mettre en place notre jeu et on s’est retrouvées en difficulté de nombreuses fois. On est forcément sorties déçues, c’était le dernier match du tournoi.

Vous terminez à la troisième place. L’objectif du tournoi a-t-il été atteint ? 

L’an dernier on avait remporté le tournoi, donc forcément l’objectif de cette année était d’essayer de conserver notre titre. L’objectif n’a pas été atteint mais on ressort de ce tournoi en ayant appris. On a essayé de chercher ce qui n’avait pas fonctionné sur ces deux défaites. On sait que rien n’est acquis. Il faut qu’on continue à travailler et qu’on soit nous, c’est à dire qu’on soit humbles et affamées et qu’on remette en place notre jeu : jouer vite et fort. Il faut qu’on soit capables de mettre le même niveau sur chaque match et qu’on se dise « chaque match qu’on joue c’est une finale de Coupe du monde. »

Comment le groupe a-t-il vécu pendant deux mois ? 

Il y a eu pas mal de changements tout au long du tournoi avec les blessures. De nouvelles joueuses qui n’étaient pas là lors de la tournée de novembre ou du dernier tournoi des VI Nations ont intégré l’équipe. Tout le monde a su les accueillir et s’adapter à l’évolution du groupe. Dans l’état d’esprit il y a de très belles choses qu’on doit garder pour les prochaines échéances.

Beaucoup de joueuses, dont vous, ont signé en novembre dernier un contrat fédéral avec la Fédération française de rugby (FFR). Comment se passent les premiers mois avec ce nouveau dispositif ? 

C’est tout nouveau donc il faut un temps d’adaptation pour s’organiser. Je pense que l’année prochaine on aura plus d’expérience par rapport à ces contrats. Mais c’est une belle avancée pour le rugby féminin. Ces contrats à 50% avec la FFR permettent de travailler à mi-temps uniquement. On peut ainsi mieux se reposer, se soigner et s’entraîner.

Vous aimeriez vivre totalement de votre passion ? 

Depuis que je joue au rugby, les filles n’ont jamais connu le côté professionnel. On a toujours eu un double projet avec un emploi ou des études à côté du rugby. Maintenant je pense que vivre de sa passion est une chance qui s’offre à tout sportif. Mais je ne l’ai pas vécu alors je serai incapable de vous répondre. Le rugby féminin évolue d’une manière positive alors peut-être que dans quelques années on pourra en reparler.

Le rugby féminin est aussi en plein essor du point de vue de la médiatisation avec dorénavant certains matchs en prime time sur France 2. Comment vivez-vous cela de l’intérieur ? 

Personnellement ce n’est pas une pression mais un réel plaisir que des matchs soient diffusés sur France 2. Depuis quelques années tous nos matchs sont déjà retransmis sur France 4. Nous, on veut faire plaisir aux gens, leur donner le sourire.

Les gens vous reconnaissent-ils dans la rue ? 

Cela commence un petit peu, mais c’est surtout au bord des terrains. C’est bizarre au début, on n’a pas l’habitude. On ne se rend pas compte en fait de l’ampleur qu’on peut avoir médiatiquement. Nous on est juste sur le terrain et on joue. Mais quand après on vient nous voir et on nous demande des photos ou des autographes, c’est là réellement qu’on se rend compte de l’effet qu’on a sur les gens. Et c’est juste génial !

> A VOIR AUSSI : 6 Nations féminin. Humbles et affamées, le parcours des françaises 

Propos recueillis par Tara Britton