Au sein de Sciences Po Toulouse, la jeune association féministe Les Sans Culottes lutte contre les pratiques sexistes. Des victimes restent insatisfaites du traitement de leur situation. De leur côté, les Ultras, critiqués pour leurs propos discriminants, changent leur chant et essaye d’intégrer plus de filles. Nous avons recueilli leurs trois témoignages.


« L’université n’en fait pas assez pour nous protéger »

Julie*, 20 ans, élève en quatrième année à Sciences Po Toulouse et victime de harcèlement sexuel

“ Le sexisme, je l’ai surtout ressenti pendant l’intégration qui a duré jusqu’en décembre, à travers le jugement qu’on a eu sur ma vie sexuelle et ma façon d’être. Ça va du simple ragot au ‘slut shaming’”.

Des gens parlaient de moi devant une amie en disant ‘C’est une pute’. En sachant que je ne leur avais jamais adressé la parole.

Trois ans plus tard, certains de ces garçons se sont excusés auprès de mes amies […] pas de moi.

L’université n’en fait pas assez pour nous protéger. Il faudrait mettre en place une cellule d’écoute composée d’une femme et d’un homme. C’est impossible de discuter de ça avec un homme qu’on ne connaît pas. C’est bien de se dire tolérant mais ça ne veut pas dire qu’on peut écouter des élèves qui se sont faites violer ou harceler. ”

*son prénom a été modifié


«Sciences Po pas assez concernée par l’égalité hommes-femmes»

Lisa, membre des « Sans Culottes », association féministe de Sciences Po Toulouse, dénonce un manque d’action concrète pour lutter contre le sexisme au sein de l’établissement.

« Face au sexisme, il y a des initiatives de la part des universités mais c’est encore trop marginal. Des cellules d’écoute des victimes étaient censées être généralisées en 2018, le gouvernement en parle depuis 2017. Aujourd’hui ça n’existe que dans 20 universités en France.

On dénonce le fait que la cellule d’écoute de Sciences Po Toulouse ne soit tenue que par un homme. On a dit qu’il fallait qu’il y ait des femmes, une pluralité d’intervenants. Il a été mis en place une plateforme d’écoute qui n’est pas du tout effective.

On a fait une campagne sur la situation de l’avortement en France et nos affiches ont été arrachées trois fois malgré une autorisation d’afficher. Sciences Po Toulouse est plus concernée par la communication et l’image de l’école que par l’égalité hommes-femmes. »


 «On commence à changer nos chants»

Léo, 19 ans, membre des Ultras de Sciences Po Toulouse (et capitaine de l’équipe de basket) nous a parlé de la place des femmes en leur sein. Il revient aussi sur les chants des supporters rose et noir que le groupe des Ultras a changé pour en supprimer les propos sexistes. 

« Cette année au CRIT (NDLR : le championnat sportif entre Sciences Po), on était 15 supporters Ultras dont 2 filles seulement. Je pense que ça vient de l’auto-censure. On véhicule une image de mecs machistes, virilistes mais tous les ultras ne sont pas sexistes ou homophobes. Ça fait déjà plusieurs années qu’on commence à changer nos chants pour enlever les propos discriminants. ‘pédé’, utilisé il y a 2 ans, a été remplacé par ‘puceau’ puis ‘pubère’ dans un chant. L’interdiction de ces propos par les organisateurs a accéléré le processus.

J’avais pas trop fait attention à ces phénomènes de harcèlement au CRIT car je suis un mec. Avec les tracts du Mas [1] et des discussions, j’ai pris conscience du problème. Dans les gradins, certains supporters de Grenoble traitaient les joueurs de ‘pédé’. Il y a encore du travail à faire ».

[1] Mouvement d’action AntiSexiste

>LIRE AUSSI: Université, en finir avec le sexisme

Propos recueillis avec Cécile Marchand-Ménard