Claire Dujardin, avocate à Toulouse depuis douze ans, défend des Gilets jaunes blessés ou condamnés depuis le début des manifestations. L’ancienne candidate France insoumise aux dernières élections législatives s’engage contre les abus du maintien de l’ordre opérés par l’État.
Comment avez-vous commencé votre travail auprès des Gilets jaunes ?
Je me suis mobilisée dès les premières manifestations avec Sara Khoury pour défendre Benoît, blessé lors de l’Acte III, le 1erdécembre 2018. Ce manifestant a été touché par un tir de lanceur de balle de défense (LBD) par les forces de l’ordre, qui l’a fait sombrer dans le coma. Il a été mon premier client dans le cadre des violences policières de ce mouvement social.
Des collègues et moi-même avons été contactés rapidement par le Syndicat des avocats de France pour venir en garde à vue de Gilets jaunes. Un collectif d’avocats s’est alors mis en place à Toulouse, avec une dizaine d’avocats, dont certains manifestent eux-mêmes, pour intervenir auprès des Gilets jaunes.
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Combien de cas traitez-vous dans ce domaine ?
J’ai une trentaine de clients Gilets jaunes qui ont été blessés ou qui vont être jugés. Il y a également certaines personnes qui viennent me voir seulement pour des conseils.
Avez-vous des clients en détention provisoire à la suite d’interpellations lors des manifestations Gilets jaunes ?
J’ai actuellement un client en détention provisoire dans le cadre d’une instruction, qui peut durer jusqu’à quatre mois.
Quatorze personnes blessées lors de manifestations ont porté plainte le 25 février dernier auprès du parquet de Toulouse, s’agit-il d’une action collective ?
Il n’est pas possible de faire une action collective au pénal, les quatorze personnes en question ont donc déposé chacune une plainte individuelle contre X en même temps auprès du procureur de la République. Les griefs portent sur des violences volontaires avec armes par des agents des forces de l’ordre et des violences involontaires de la part du préfet. Ce dernier doit en effet assurer prudence et sécurité lors des opérations de maintien de l’ordre. Certains ont aussi reproché la mise en danger d’autrui, dans la mesure où les agents n’allaient pas vérifier l’état des personnes blessées. Sans les volontaires fournissant des soins médicaux sur place, les personnes n’auraient reçu aucune aide.
Nous n’avons pas d’information sur l’avancée de la procédure, mais elle se déroule en général de la manière suivante : le procureur enregistre la plainte puis en informe l’Inspection générale de la Police nationale à Paris, qui transmet pour une enquête si elle le juge nécessaire. C’est ce que je conseille de faire à mes clients blessés pendant les manifestations. Ils peuvent aussi saisir le Défenseur des droits.
Que pensez-vous de la controversée proposition de « loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations », dite « loi anticasseurs » ?
C’est une loi anticonstitutionnelle dans le sens où elle représente une atteinte à la liberté de manifester. Pour moi, elle ne pourra pas être effective sur le terrain. Interdiction de manifester par le préfet, arrestations dans des manifestations non déclarées : ces mesures ne sont pas justifiées malgré la violence qu’il peut y avoir sur les manifestations. Une telle loi n’aurait aucune efficacité, les gens continueront d’aller exprimer leur colère dans la rue. Cela mènerait à avoir plus de gens en prison, plus de personnes fichées, à des radicalisations…
Une répression policière et judiciaire de cette ampleur, on n’avait pas vu ça depuis 1968. On s’était posés des questions sur le problème du maintien de l’ordre lors de la mort de Rémi Fraisse en 2014 par un policier dans l’affaire du barrage de Sivens, mais là on revient complètement en arrière.
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