À l’approche des élections européennes du 26 mai 2019, Emmanuel Macron a décidé de marquer le coup. Il a décliné une Lettre pour une renaissance européenne en 22 langues et l’a publiée sur les réseaux sociaux. Bien que symbolique, l’ordre de publication des traductions peut permettre de comprendre l’Europe du président français. Décryptage.
Sur Twitter, le compte officiel d’Emmanuel Macron a diffusé hier soir 22 traductions de sa Lettre pour une renaissance européenne. Le président a d’abord décliné sa lettre dans les langues de nos pays voisins : Allemagne, Royaume-Uni, Italie et Espagne.
1. Allemagne : le couple franco-allemand
Qui dit Union Européenne, dit couple franco-allemand. C’est dans la langue de Goethe que la lettre d’Emmanuel Macron a d’abord été publiée. Nos voisins outre-Rhin sont ceux avec qui Emmanuel Macron doit négocier pour faire avancer les dossiers européens. Il n’a pas le choix.
2. Royaume-Uni : Brexit oblige
C’est ensuite dans la langue de Shakespeare qu’a été diffusée la lettre. Brexit oblige. Emmanuel Macron y fait d’ailleurs référence tout au long de son message. Logique donc de les avoir mis à la seconde place. Les « British » passent peut-être leur dernier mois au sein de l’Union Européenne. Le 29 mars, ils devront quitter le navire. La Première ministre britannique, Theresa May, ne cesse de négocier avec l’Union pour ne pas quitter la Communauté sans accord. C’est sans compter sur les difficultés à négocier avec les représentants de l’UE, mais aussi avec les parlementaires britanniques qui ont rejeté à deux reprises le plan proposé par la résidente du 10 Downing Street.
Le Président souligne à la fin de son message :
« Dans cette Europe, le Royaume-Uni, j’en suis sûr, trouvera toute sa place. »
Pas d’Europe sans eux donc.
3. Italie : multiplication d’incidents diplomatiques
Ce n’est pas la dolce vita entre la France et l’Italie en ce moment. Le 7 févier 2019, l’ambassadeur français à Rome était rappelé en France par le président. Evénement assez rare pour le souligner puisque cela n’était pas arrivé depuis la Seconde Guerre Mondiale. Les agissements de Matteo Salvini et Luigi Di Maio sont la cause de cet incident diplomatique. Quelques jours auparavant, Luigi Di Maio avait rencontré des Gilets jaunes ce qui n’avait pas manqué de faire réagir le Quai d’Orsay dans un communiqué de presse.
Emmanuel Macron a très récemment tenté d’apaiser la situation. Lors d’une interview ce dimanche 3 novembre, sur la Rai 1, il a assuré qu’il y avait eu « un malentendu » et que « les péripéties récentes ne sont à [s]es yeux pas graves ».
Au delà des relations franco-italiennes, rappelons aussi que l’Italie a vu son budget retoqué par la Commission européenne en octobre 2018, une première dans l’histoire de l’Union Européenne.
En choisissant l’Italie à la troisième place, l’Elysée fait donc un nouvel appel du pied aux voisins méditerranéens.
4. Espagne : exit la Catalogne ?
« Citoyens d’Europe, l’impasse du Brexit est une leçon pour tous. »
C’est ainsi que commence l’ultime paragraphe de la lettre aux Européens. On peut y voir un avertissement en direction des Espagnols. L’épisode catalan a fait trembler l’Europe l’année dernière et n’est pas terminé. Treize députés indépendantistes catalans ont rejeté le budget 2019 proposé par Pedro Sanchez. Ainsi, des élections générales anticipées se tiendront le 28 avril. Un mois plus tard, pour les élections européennes, les Espagnols voteront également pour les élections régionales et municipales.
Notons aussi l’entrée de l’extrême droite en Andalousie, où elle occupe désormais 12 sièges. Une première en Espagne depuis la période franquiste.
5. Pologne : une épine dans le pied européen
La Pologne, membre de l’Union depuis 2005, a aujourd’hui à sa tête un gouvernement ultra-conservateur et anti-européen. La Pologne fait partie des pays « frondeurs » de l’UE. Le pays est en proie aux tensions politiques et sociales. L’assassinat du maire de Gdansk Pawel Adamowicz, le 13 janvier 2019 en est un révélateur.
Mais si la traduction polonaise se hisse à la cinquième place, c’est probablement pour les tensions qui sont apparues entre l’Hexagone et la Pologne lors d’un colloque à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales ce vendredi 1er mars. Alors qu’était organisé un événement sur la nouvelle école polonaise d’histoire de la Shoah, des nationalistes polonais sont venus perturber le colloque en criant dans la salle. Cet événement a donné lieu a des échanges par communiqué interposé entre Frédérique Vidal, Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et son homologue polonais Jaroslaw Gowin.
6. Roumanie : première présidence du Conseil de l’Union Européenne pour les Roumains
On pourrait se demander ce que fait la Roumanie à la sixième place. La réponse est simple : c’est la première fois que les Roumains vont prendre le poste de Président du Conseil européen depuis qu’ils sont entrés dans l’Union en 2007. Ce siège est occupé par chaque pays membre et la présidence change tous les six mois. Bucarest a notamment en charge le dossier concernant le Brexit. Ce qui n’est pas une mince affaire. À cela, il faut ajouter les différentes menaces qui pèsent sur l’Etat de droit en Roumanie.
Les Roumains pourraient aussi voir une de leur concitoyenne, Laura Codruta Kövesi, devenir la première procureure à diriger le parquet européen lorsqu’il sera en place en 2020. Ce parquet aura notamment pour but de contrôler l’utilisation des fonds européens alloués aux pays membres.
7. Pays-Bas : Air France KLM ou la pomme de discorde
Ce mardi 26 février, l’Etat néerlandais a pris possession de 12% du capital de la compagnie Air France KLM. Quelques jours plus tard, 14% du capital de la société leur appartient. Les Pays-Bas obtiennent ainsi des parts presque aussi importantes que l’Etat français qui en possède 14,29%. Le but de l’opération est simple pour Wopke Hoestra, ministre des finances néerlandais, pouvoir négocier et défendre les intérêts de KLM. La manœuvre a surpris côté français, puisque le Président a même demandé des explications.
Les tensions entre les deux Etats se sont finalement apaisées après une rencontre entre Bruno Lemaire, ministre de l’économie et Wopke Hoestra, le vendredi 1er mars.
8. Grèce : le symbole de la crise européenne
Quel autre pays que la Grèce pour représenter tout le paradoxe européen ? Pour Yanis Varoufakis, « Macron a contribué à renforcer le populisme en France ». L’ancien ministre des finances de la Grèce se présente aux élections européennes.
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9. République Tchèque : soupçons de détournement de fonds européens
Le Monde a révélé en novembre que le premier ministre tchèque Andrej Babis serait en conflit d’intérêts et détournerait des fonds européens via des trusts. Des révélations qui n’aident pas aux bonnes relations entre les pays membres au sein de l’UE. Le Parlement européen a tranché pour sanctionner ces agissements, ce qui a poussé Andrej Babis à suspendre les demandes de fonds pour une des entreprises dont il fait partie.
Le Premier ministre tchèque ne peut être placé sur l’échiquier politique européen, tantôt approuvant la politique d’Emmanuel Macron et celle de Viktor Orban.
10. Portugal : les populistes sont loin
Alors que la plupart des pays européens connaissent une montée des populismes et des partis d’extrême droite, le quotidien l’Expresso considère que le Portugal est « un pays sans populisme ». Le pays serait-il exempt de la vague nationaliste qui parcourt le Vieux continent ?
11. Suède
La Suède a connu en début d’année, quatre mois de blocage avant d’élire son Premier ministre. Pour ce qui est de sa position au sein de l’Union, la Suède est elle aussi concernée par la question du retour de ses djihadistes sur son sol. Elle se range, pour l’instant, du côté du Royaume-Uni pour qu’ils soient jugés sur les territoires où les crimes ont été commis.
12. Hongrie
La Hongrie tout comme la Pologne fait partie des « frondeurs » de l’Union. Hier, une procédure d’exclusion a même été lancée par le Parti populaire européen (parti de la droite européenne) contre Viktor Orban et le Fidesz. Le gouvernement hongrois s’est explicitement positionné contre une politique d’accueil des migrants à plusieurs reprises. Il y a quelques jours, la Hongrie d’Orban a attaqué Jean-Claude Junker, président de la Commission européenne à travers des affiches. La CDU d’Angela Merkel, qui est habituellement assez conciliante avec le Fidesz, a cette fois-ci condamné les agissements du parti hongrois.
Les figurants en queue de peloton sont nombreux à faire partie des pays de l’Est : Bulgarie, Slovaquie, Croatie, Slovénie. Mais on retrouve aussi les trois pays baltes ainsi que la Finlande et le Danemark. Pour nombre d’entre eux, Emmanuel Macron n’y a effectué aucune visite officielle depuis le début de son mandat. Pour ceux où il s’est rendu, c’était bien souvent dans le cadre de discussions européennes comme pour l’Estonie en septembre 2017.