Le 14 février 2019, le président du Conseil constitutionnel est venu expliquer le fonctionnement d’une des plus hautes institutions de la République « de l’intérieur », devant étudiants et professeurs à Toulouse. La conférence, organisée par l’association Cactus, a permis de revenir entre autres sur la controversée loi anti-casseurs. 

Alors que le Conseil constitutionnel s’apprête à intégrer trois nouveaux membres, dont Alain Juppé, le président de la Cour constitutionnelle s’est exprimé à Toulouse dans les Anciennes Facultés. Plus jeune Premier ministre de la Vème République, président de l’Assemblée nationale, plusieurs fois ministre, député, Laurent Fabius siège depuis 2016 au sommet de la juridiction suprême. Sa venue dans la Ville rose pour discuter avec des étudiants a été l’occasion de rappeler les fondements du droit constitutionnel, alliant théories juridiques et humour. Le débat a aussi permis de rebondir sur des cas plus concrets. Un étudiant a d’ailleurs soumis la question de la loi anti-casseurs à Laurent Fabius. Pour rappel, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi « visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations » le 5 février dernier. Si le Conseil était saisi avant la promulgation de la loi par le Président de la République, que diraient les Sages ?

«  Je ne vais pas donner de réponse aujourd’hui. Il y a plusieurs principes applicables à la situation. L’État a le droit et le devoir de préserver l’ordre public d’une part. D’autre part, la liberté de manifester est garantie par la loi. Si saisine il y a, nous regardons la conciliation de ces deux principes et le respect de l’un sur l’autre, faute de quoi nous censurerons la disposition. »

L’institution logée au Palais Royal dispose d’un mois pour statuer sur la conformité d’une loi à la Constitution, voire huit jours dans le cas d’un examen d’urgence. « Dans ces cas là, le travail commence avant. Les membres et moi-même suivons les débats parlementaires, discrètement, en amont » explique l’ancien Ministre des Affaires étrangères devant l’auditoire de l’amphithéâtre Cujas.

La nomination d’Alain Juppé, elle, ne fait pas l’objet d’une tirade de l’énarque :

« En ce moment, nous renouvelons trois de nos membres, Michel Charasse, Lionel Jospin et Jean-Jacques Hyest. Leur mandat n’est pas de neuf ans comme à l’accoutumée. Compte tenu de nos âges très avancés, ils ont pris en cours de route le mandat de nos défunts membres. Alain Juppé subira un petit examen du Parlement, mais le suspense n’est pas insoutenable. »

Le Conseil constitutionnel, une institution lointaine

Les délibérations du Conseil constitutionnel restent secrètes pendant 25 ans, mais ne faudrait-il pas les rendre publiques pour renforcer le lien avec les citoyens ? C’est la question qu’une étudiante pose à Laurent Fabius :

« Sans démagogie, j’y suis hostile. Il y a des moments où les choses doivent être rendues publiques, mais il y a aussi des moments où le secret aide à construire le consensus ».

« Les gens se disent sûrement : « Qu’est-ce que c’est que ces vieux qui décident ? » » admet le Président, conscient de la distance perçue par les citoyens. Pour la première fois, le Conseil s’exporte en province. Cette semaine, des Sages ont fait le déplacement à Metz. « Nous allons nous déplacer chaque trimestre pour plus de proximité » précise Laurent Fabius. L’institution compte sur d’autres actions pour enrayer son image de juridiction inaccessible. La Nuit du droit, organisée chaque année, sensibilise les citoyens au droit et à la Constitution. Le Conseil compte aussi sur l’Éducation Nationale pour  apprendre aux plus jeunes ce qu’est le Conseil constitutionnel.

La présence « absurde » des anciens Présidents de la République au Conseil

Les anciens chefs de l’État deviennent, une fois leur mandat terminé, des membres de droit du Conseil. « Cela ne fonctionne pas et c’est ridicule » affirme Laurent Fabius. Légitime dans la Constitution, oui, mais pas dans l’esprit de la plupart des juristes.

« En 1958, les Présidents n’avaient pas de retraite, alors on les mettait là. Ceci montre bien la vision qu’on avait du Conseil au début » ironise-t-il.

Parmi les membres de droit actuels, seul Valéry Giscard d’Estaing siège au sein de l’institution. Jacques Chirac en est empêché par sa maladie. Nicolas Sarkozy, lui, a été condamné par l’institution pour des affaires. Quant à François Hollande, il avait promis avant d’être élu qu’il ne siègerait pas parmi les Sages. Et si Valéry Giscard d’Estaing n’apprécie pas particulièrement les Questions Prioritaires de Constitutionnalité, ces « questions citoyennes » représentent pourtant 80% du travail du Conseil. « Nous le voyons donc de temps en temps » ajoute le successeur de Jean-Louis Debré.

Avec Manon Pellieux