Les néo-calédoniens se sont prononcés le 4 novembre dernier en faveur du maintien du « caillou » en France.  Un vote beaucoup plus serré que prévu, qui laisse entrevoir de nombreuses divisions entre les habitants de l’archipel.

Française depuis 1853, moment où la France déclare l’archipel sa nouvelle colonie, les habitants de la Nouvelle-Calédonie ont eu le 4 novembre l’opportunité de décider de leur destin. A l’issue du référendum, 56,7% des Néo-calédoniens se sont prononcés contre l’indépendance et pour le maintien de la Nouvelle-Calédonie française. « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ». La question, dénuée d’ambiguïté, s’inscrit dans la procédure décrite dans les accords de Nouméa, signés en 1998. Ceux-ci prévoyaient un transfert de compétences de la métropole vers la collectivité, ainsi qu’un référendum d’autodétermination 20 ans plus tard, en 2018. La consultation permet par ailleurs de régulariser la situation au regard du droit international. Pour l’Organisation des Nations Unies, la France détient en effet toujours deux colonies dont le statut doit être revu : la Polynésie Française et la Nouvelle-Calédonie.

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Le président français Emmanuel Macron a salué sur les réseaux sociaux cette « étape historique » et cette « fierté pour la République ».

Une victoire en demi-teinte pour le non

La consultation pour l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie a connu un taux de participation record. Parmi les 175 000 électeurs inscrits sur les listes, 80,6% se sont déplacés aux urnes. Lors de la consultation pour l’approbation de l’accord de Nouméa en 1998, la participation n’avait été que de 74,2%. Les électeurs de la commune de Pouébo (province Nord), à l’extrême Nord de l’île, ont par exemple été 80,86% à se rendre au bureau de vote, et ont voté à 94,25% pour l’indépendance.

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Contrairement à ce que les sondages avaient annoncé au cours de cette année, la victoire du « non » a été beaucoup moins écrasante que prévue. Alors que deux partis loyalistes, le Rassemblement-Les Républicains et les Républicains calédoniens s’attendaient à ce que le « non » l’emporte avec au moins 70%, l’écart a été beaucoup plus étroit que prévu.  Ainsi, si les loyalistes ont pris la tête des résultats, les indépendantistes se réjouissent aussi de l’issue de la consultation. « Le soir des résultats, les partisans du oui ont autant fait la fête que les partisans du non ! On pensait vraiment qu’il y aurait un grand écart entre les deux camps, et ça n’a pas été le cas », se réjouit Elvys Gourou, Kanak résident à Albi (Tarn) membre du FNLKS (Front de libération nationale Kanak et socialiste)

« On a déjoué les pronostics annoncés par les loyalistes. Nous considérons que ce référendum est un galop d’essai. Il y aura d’autres rendez-vous et nous comptons bien convaincre le peuple calédonien la prochaine fois. » Roch Wamytan, président du groupe Union calédonienne-FLNKS du Congrès pour Le Monde.

Avec de tels résultats, le militant pense par ailleurs que l’indépendance n’est que partie remise. Les accords de Nouméa prévoient en effet qu’en cas de victoire du non à la première consultation, deux autres puissent être organisées à la demande d’un tiers des membres du congrès.

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En effet, la participation plus forte au cours de ce référendum laisse penser que la question de l’indépendance mobilise plus qu’auparavant.  » Le mot indépendance ne fait plus aussi peur aujourd’hui qu’il y a trente ans », explique Elvys Gourou. De plus, avec 43,3% des suffrages exprimés pour le « oui », et seulement 39% pour Kanaks en Nouvelle-Calédonie, les suffrages démontrent que d’autres communautés que les Kanaks ont fait le pari de l’indépendance. Par ailleurs, si le Parti Travailliste, parti politique indépendantiste d’extrême gauche qui a obtenu un siège au Congrès en 2014, revient sur ses recommandations de ne pas participer au référendum, jugé en défaveur des intérêts des Kanaks, le camp du « oui » pourrait encore gagner des voix. 

Une campagne pacifiée pour une Nouvelle-Calédonie divisée

Si les résultats de la consultation semblent à la fois contenter indépendantistes et loyalistes, et marquent la fin de la campagne sans débordement , l’ambiance pacifiée du scrutin masque en réalité des divisions profondes qui secouent l’archipel. Les résultats du référendum démontre en effet une importante division entre les différentes composantes de la société néo-calédonienne. Les zones qui ont la plus grande adhésion au projet d’indépendance sont celles peuplée en majorité de Kanaks. Les provinces du Nord et des Îles Loyauté ont ainsi largement voté pour le « oui », tandis que la province Sud, où les Caldoches (descendants des colons européens) et les habitants originaires de la Métropole sont plus nombreux, a été marquée par la victoire du « non ».

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Sources : Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, INSEE.

Cette prépondérance du « oui » à l’indépendance chez les populations Kanaks plutôt que chez les autres communautés témoigne en pointillé d’une société encore largement inégalitaire, héritage de la colonisation. Comme l’explique Mathieu Lopez, militant de l’association Survie Midi-Pyrénées qui défend l’accession à l’indépendance pour le peuple Kanak, les habitants autochtones de l’archipel souffrent d’un taux de pauvreté beaucoup plus important que les populations européennes. Par exemple, le revenu médian de la province Sud, peuplée en majorité de Caldoches, est de deux fois supérieur à celui de la province Nord, où les Kanaks sont les plus nombreux. Si les Kanaks représentent numériquement la population la plus importante de Nouvelle Calédonie (ils représentent 39% des habitants contre 27% d’européens), l’accès à l’éducation postsecondaire, l’accès au logement ou même les taux d’incarcération restent très inégaux. Ainsi, dans l’archipel, 36 % des Kanaks âgés de 15 à 64 ans n’ont pas de diplôme, alors qu’ils ne sont que 17 %pour les populations non-Kanaks. L’Union Syndicale des travailleurs Kanaks et Exploités (USTKE) pointe de plus du doigt l’absence quasi-totale des Kanaks dans l’administration publique et dans les instances de décision des grandes entreprises.