Entre prévention, politique de réduction des risques et slogans provocateurs, Act Up Sud-Ouest oeuvre depuis 1991 dans la lutte contre le Sida. Rencontre avec Louise Lourdou, présidente de l’association.

Il y a tout juste deux ans, Act Up Sud-Ouest fêtait ses 25 ans. Dernière survivante des dizaines d’associations provinciales Act up qui se sont éteintes, elle a tenu bon grâce au dur labeur mené par son fondateur et ex-président Guy Molignier.

Aujourd’hui, Act Up Sud-Ouest c’est 15 militants dont quatre salariés et 11 bénévoles. En 2013, l’association a connu un regain d’intérêt : une nouvelle génération venue lutter contre la Manif pour tous. Elle était alors la seule association LGBT toulousaine à organiser des contre-rassemblements. Deuxième victoire en octobre dernier : Act Up revient sous les projecteurs avec le succès du film 120 battements par minute, sacré meilleur film de l’année aux César. Ce sont de nouveaux jeunes qui viennent pousser la porte de l’association.

Présidée depuis deux ans par Louise Lourdou, Act Up Sud-Ouest œuvre pour la prévention et la réduction des risques en milieu festif et l’accompagnement des personnes séropositives. Mais Act Up Sud-Ouest ce sont aussi des militants qui luttent pour plus de droits de manière générale pour réduire les risques de contamination au VIH.  

« Contre le sida, dépénalisons les ecstas ! »

Le mot d’ordre est clair, Act Up milite pour la dépénalisation de toutes les drogues. Pour autant, l’association se défend d’en faire l’apologie. Et pour comprendre cette position, il faut remonter dans le temps, jusque dans les années 80. A l’époque, les programmes d’échange de seringues (une seringue stérile en échange d’une seringue usagée) mis en place par les associations d’auto-support des usagers de drogues étaient illégaux. Ils étaient perçus comme de l’incitation. La présidente d’Act Up Sud-Ouest Louise Lourdou s’offusque :

« C’est une théorie complètement fausse. Personnellement voir des seringues sur un stand ou en distribuer aux gens ça ne m’a jamais donné envie de m’injecter. »

Depuis que cette politique de réduction des risques a été mise en place et le programme d’échange de seringues légalisé, le taux de nouvelles contaminations chez les publics injecteurs est tombé à moins de 1%. Pourtant, ils faisaient partie des premières populations touchées par le VIH. Pour les membres d’Act Up, c’est la preuve que ces politiques de réduction des risques fonctionnent et qu’il faut les développer. Mais Louise rappelle que s’ils ont gagné une bataille, ils sont loin d’avoir gagné la guerre. L’association milite en effet pour étendre cette politique aux personnes incarcérées. Un des publics les plus à risque pour les nouvelles contaminations.

« Nous partons du principe que si les personnes veulent se droguer, elles le feront quoi qu’il arrive. En prison, on arrive à un stade où des personnes se fabriquent des seringues avec des bouts de stylos en plastique. Du point de vue sanitaire, c’est une catastrophe. Autant leur donner un matériel propre et stérile pour que ce soit fait de la façon la plus “safe” possible. C’est la raison pour laquelle on parle de réduction des risques. Ce n’est pas une annulation des risques parce qu’à partir du moment où on prend de la drogue, il y a un risque. »

Act Up Sud Ouest sera l’une des associations organisatrices de la campagne internationale « Support. Don’t Punish. » qui se tiendra le 23 juin 2018. Elle a pour but de promouvoir une réforme des politiques des drogues et de changer les lois et politiques qui entravent l’accès aux interventions de réduction des risques.

Ce revirement a notamment eu lieu au Portugal, en 2000. A contre courant du reste du monde, le pays a dépénalisé l’achat, la détention et l’usage de stupéfiants pour la consommation individuelle. Le trafic reste toutefois interdit, mais les consommateurs de drogues sont désormais considérés comme des malades plutôt que comme des criminels.

En France, les militants réclament notamment l’abrogation de la loi de 1970 qui est une loi de pénalisation des usagers incriminant l’usage simple de substances classées comme stupéfiants, sans distinction entre les drogues douces et dures,  l’usage en privé et en public, ou encore l’usage régulier et occasionnel.

Act Up Sud Ouest n’opère également pas de distinction entres les drogues douces et dures et parle de produits psycho-actifs. Un moyen d’intégrer l’alcool à la liste. Louise juge bon de rappeler :

« Aujourd’hui l’alcool est le produit qui fait le plus de morts chaque année en France.  A côté de ça combien y’a-t-il de morts par an à cause du cannabis? S’il y’en a 10 c’est le bout du monde. Il faut remettre tout ça en perspective. »

Pour le respect des droits liés au travail du sexe

Si, pour Act Up Sud-Ouest, moins de contamination rime avec plus de législations légalisant l’usage de drogues, cela rime aussi avec respect des droits des prostituées. 27 mars 2015. Act Up Sud-Ouest se mobilise contre la proposition de loi de « lutte contre le système prostitutionnel », entrée en vigueur un an plus tard.

« Nous sommes contre la loi de pénalisation des prostitués et de leurs clients et contre les politiques abolitionnistes du travail de sexe. », informe la présidente de l’association.

Crédit photo : site Act Up Sud-Ouest

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) s’étaient aussi prononcés contre la loi de pénalisation de l’exercice de la prostitution, rendant les prostituées plus vulnérables aux risques  sanitaires et sécuritaires.

Selon Act Up Sud-Ouest, tous ces projets de pénalisation du travail du sexe ne feraient que fragiliser le statut et la sécurité des prostituées. Rien ne prouve qu’ils permettraient d’amoindrir ou d’éradiquer la précarité, l’exploitation, la violence ou les risques de contamination qu’encourent les prostitués. C’est en matière de droits sociaux qu’ Act Up pense qu’il serait bon d’agir. L’association revendique par exemple un accès facilité à la justice pour les victimes de violences ou d’exploitation.

D’après une étude basée sur les données du Centre européen pour le contrôle et la prévention des maladies (ECDC), la prévalence du VIH chez les travailleuses du sexe est plus élevée dans les pays les plus répressifs en matière de politiques de la prostitution. La prévalence s’élèverait à 4,02% en moyenne dans les pays interdisant la prostitution, contre 0,5% dans ceux où elle est au moins partiellement légale.

« Nous sommes encore dans une optique de plus de droits pour les personnes (consommateurs de drogues, prostitués). Quand elles disposeront de plus de droits, il y aura moins de contamination. », conclut Louise.

Le 8 mars dernier, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, c’est pour la défense des droits des travailleuses du sexe qu’ont défilé les membres de Act Up. Un point de désaccord avec Osez le Féminisme 31 (une des associations chargée de l’organisation de la manifestation) qui promeut les politiques abolitionnistes.

Photo de une : Act Up Sud-Ouest

Charlotte Formhals et Pauline Ducousso