La mairie diminue ses aides publiques à la culture. En faisant fi des particularités de chaque théâtre, elle sacrifie les plus modestes.

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Tous les théâtres ne sont pas tous dépendants au même niveau des subventions publiques. Les coupes budgétaires en touchent certains au coeur. Credits: Maxime Raphael/Flickr

Toutes amputées d’un quart. Tel est le sort, à l’heure de la rigueur budgétaire, des aides publiques allouées à la culture à l’horizon 2020, suite à une décision de la mairie. Mais tous les théâtres sont-ils égaux devant la baisse des financements ?

La rupture du dialogue

L’affaire remonte à mi-2014. Des rumeurs commencent alors à circuler dans les milieux culturels, prédisant une saignée dans les subventions que leur accorde la mairie. Rien d’officiel encore. « On a finalement appris la réduction de 10% des aides publiques par voie de presse, en janvier, après les conseils municipaux, et sans aucune notification », fulmine Eric Vanelle, chargé des relations publiques au théâtre du Grand Rond.

Ces 10%, en moyenne, sont le premier pas d’une hausse qui, chaque année, va s’étendre. Et jusque-là, côté mairie, c’est silence radio. Ou presque. Quand, en juin 2014, Francis Grass s’installe au poste d’adjoint à la culture, il gèle la communication avec la plupart des petits théâtres, notamment les indépendants, suscitant chez eux défiance et sentiment d’insécurité.

L’exemple du Grand Rond est emblématique. S’accommodant bon an mal an de ce mutisme municipal, son équipe prend l’initiative de réclamer un entretien à la mairie, afin d’engager des discussions. Une seule brève entrevue leur est accordée. « Il ne s’y est rien dit. C’était un pur dialogue de sourds », atteste celui qui gère depuis 15 ans les relations avec les collectivités.

« Au moins, et sans vouloir flatter l’ancienne mairie, avec Nicole Belloubet (première adjointe à la culture entre 2008 et 2010, aujourd’hui membre du Conseil constitutionnel, ndlr), il y avait un dialogue très régulier entre les acteurs culturels et la ville »
: mails, coups de téléphone et, parfois, rencontres.

L’entrave au fonctionnement des théâtres

Brutal, ce long silence laisse un goût amer chez les équipes des théâtres puisque c’est donc sans avertissement que les subventions sont amputées, quand tous les budgets sont d’ores et déjà bouclés. « Pour le budget de l’année 2015, tout est déjà prévu et signé en mai 2014 ! », corrobore Eric Vanelle. Soit bien avant les premières rumeurs. Et une baisse de 10% – en moyenne – peut être fatale. Pour le Théâtre national de Toulouse (TNT), ce sont 225 000 euros qui partent à la corbeille en 2015, soit plus de 5 salaires ou 60 représentations.

Néanmoins, ces saillies ne sont pas uniformes. A ce titre, la consultation des archives – très prolixes – des délibérations des conseils municipaux des dernières années, est instructive. Y figure en particulier le détail des niveaux de « subventions attribuées aux structures culturelles ». Lorsque l’on compare les montants d’aides publiques sur les années, les coupes de 2015 sont flagrantes. Le théâtre Le Hangar perd 3 300 euros par rapport à 2014 ; le théâtre Le Vent des signes est lui lésé de 5 500 euros. D’autres sont amputés de façon significative, comme le TNT (8% de baisse comparativement à 2014) ou le théâtre Garonne, qui évacue 73 500 euros (8,8%) de son budget.

Des baisses à l’aveugle

Il y a toutefois des épargnés. Parmi ceux qui font l’économie du couperet, le Grand Rond, dont la dotation plafonne à 125 000 euros. Ce qui leur vaut ce traitement de faveur ? « C’est comme une loterie, où on a eu de la chance », estime Eric Vanelle, qui exclut toute tentative de lobbying auprès de la mairie. Egalement rescapée, la Cave Poésie voit sa subvention stagner à 90 000 euros en 2015.

Autre bizarrerie, ces coupes frappent sans tenir compte de la part que les subventions représentent dans le budget des théâtres. Pour le TNT, c’est 70% du budget qui provient de la ville, selon son ancienne chargée de communication Marie Attard. Pour le Grand Rond, c’est bien moins : 30%.

Suivant l’importance qu’ont les aides publiques dans les financements, une baisse de 10% n’a donc pas du tout le même impact. Etrange paradoxe aussi que, basant l’essentiel de ses finances sur les aides publiques, le Hangar soit amputé de 10% de sa dotation, tandis que pour le Grand Rond, proportionnellement moins gourmand en subventions, celles-ci n’aient pas varié d’un iota. Cette baisse à l’aveuglette frappe au premier chef ceux dont le budget dépend le plus des subventions. En premier lieu les petits théâtres associatifs.

Certains y voient un calcul politique. Eric Vanelle, plutôt de l’amateurisme doublé de désintérêt : « La municipalité n’a aucune vision de la culture, sinon la valorisation du patrimoine. Ils ne connaissent pas le théâtre ni comment il fonctionne. Ca ne les intéresse simplement pas », interprète-t-il. « Quel intérêt de subventionner des décors à 50 000 euros au TNT, qui ne serviront qu’une fois, et qui restent ensuite au placard, quand la survie de théâtres indépendants peut dépendre d’une telle somme ? »

Sollicitée, la mairie n’a pas donné suite à nos demandes d’interview.

Paul Conge