Le mardi 3 novembre, plusieurs syndicats de police ont appelé à la grève. Suivi par 80% de la police scientifique de France, cet appel dénonce des conditions de travail bien différentes de celles de leurs collègues.

Le travail de la police scientifique ne se limite pas à l'intérieur d'un laboratoire. CC Campus France sur Flickr

1.300 manifestants sur l’ensemble de la France, dont une vingtaine à Toulouse, selon l’intersyndicale du mouvement. Ce 3 novembre, les syndicats de police (SNPPS-Unsa, Snapatsi-CFE-CGC et Snipat-FO) se sont regroupés pour dénoncer la différence de statuts entre la police technique et scientifique, et le reste de leurs collègues. En effet, ils héritent des mêmes contraintes que la police de terrain, sans jouir du même statut et de la même protection. « Aujourd’hui, nous n’avons pas le même statut que les policiers actifs », explique Eric Mora, chargé de communication du SNPPS. « Il y a un cadre professionnel à respecter. Notre pénibilité n’est, par exemple, pas reconnue. »

Dans les faits, cette différence de conditions de travail se traduit par un salaire moins élevé, une absence de suivi psychologique et de retraite anticipé, et une situation sur le terrain qui n’est pas protégée. Leur travail peut revêtir plusieurs angles : le traitement en laboratoire, tâche que l’on relie habituellement à la police scientifique, mais aussi travail sur le terrain. « Nous pouvons intervenir dans les cités, en civil. Nous sommes alors identifiés comme des policiers (ndlr : et non des policiers scientifiques), mais nous n’avons pas la même protection ». Depuis 2002, ils doivent ainsi porter sur le terrain des gilets pare-balles, mais les risques ne sont toujours pas reconnus. « Ce sont les contraintes de la police active, mais sans le statut qui va avec ».

Une recherche de reconnaissance qui n’est pas nouvelle

Les demandes des syndicats visent à combler ce vide administratif. Ils réclament ainsi « un statut actif qui prend en compte les particularités de la filière, ses risques et sa pénibilité », « la reconnaissance du caractère opérationnel des missions des agents PTS », « un départ anticipé à la retraite en raison de la pénibilité des missions », « la prise en compte des primes dans le calcul de la retraite » et « le respect de la législation européenne concernant le temps de travail et la durée minimale de repos entre deux vacations ».

Ce n’est pas la première fois que les syndicats appellent à la grève. En 2010, la mise en place d’un statut spécial était déjà réclamée. Le 22 octobre dernier, le Président François Hollande avait annoncé vouloir une revalorisation « ambitieuse et massive » de la branche scientifique. Mais l’administration et les syndicats n’ont pas trouvé d’arrangement pendant la durée du préavis. Si des mesures sont proposées, elles ne correspondent pas aux demandes de l’intersyndicale.

Un secteur qui reste mal connu

La situation actuelle résulte d’une évolution interne de la police scientifique. « Dans les années 90, elle explose. On recrute alors beaucoup de policiers actifs. » Quelques années plus tard, le recrutement s’axe davantage sur des techniciens, des ingénieurs (ASPTS : agents spécialisés de la police technique et scientifique). Ils travaillent alors, en grande majorité, dans les laboratoires. « Au début des années 2000, il y a une évolution de la profession. Au fur et à mesure, les postes tenus par des policiers actifs sont tenus par des scientifiques ».

Cette évolution est peu connue du grand public. L’image de la police scientifique reste, surtout aujourd’hui, dictée par les séries télévisées. Elles ne représentent pas forcément l’étendue du travail de la branche scientifique. « Le recrutement qu’on fait aujourd’hui vient de l’influence des séries télé », reconnaît Eric Mora.

Pour l’instant, un nouvel appel à la grève n’a pas été lancé. Un nouvel arrêt des services pourrait paralyser une bonne partie de la police, ce qui paraît difficilement faisable dans une période d’état d’urgence. Ce vendredi 13 novembre, la police scientifique était sur le terrain, aux côtés de ses collègues actifs.

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