Le football pour déficients visuels est une discipline encore peu connue. Rencontre avec le Toulouse Football Cécifoot, l’autre TFC.

cecifoot.jpg

« Voy ». J’arrive, en espagnol. Un simple verbe, toutefois indispensable pour ces joueurs aveugles. Ce sont ces spécificités, parfois incompréhensibles au premier abord, qui permettent d’adapter les règles du football. Rendez vous au Stadium, sur les terrains voisins du Toulouse Football Club, où s’entraine l’équipe du Cécifoot. Ce soir là, deux joueurs sont absents. Les huit autres se retrouvent près des cages, avec leur coach, prêts à démarrer l’entrainement.

Une question de (re)connaissance

Le handisport vise à adapter (avec succès) les règles des sports aux handicaps de chacun. Le Cécifoot, lui, s’intéresse aux déficients visuels. Dans un sport où l’on pense, trop souvent à tort, que la vue est indispensable. L’ouïe remplace le regard : c’est sur le son que les règles spécifiques de ce sport vont s’appliquer. Les grelots, insérés dans le ballon, entrent en scène.

David Labarre porte le brassard de l’équipe toulousaine. International, il joue en Equipe de France aux côtés d’Arnaud Ayax, autre toulousain du groupe. Comme le reste des joueurs, il a assisté à la signature du partenariat entre le TFC et son équipe. « C’est très bon pour le développement et l’image du Cécifoot », explique t-il. Sans oublier que pour un joueur, il y a la « fierté » de manier le ballon pour un club professionnel. « Lorsque j’ai commencé, il y a 10 ans, le Cécifoot n’était vraiment pas connu. J’ai vu l’évolution. Il reste encore des progrès à faire, mais on y arrive ».

Mode d’emploi

A l’entrainement, on « développe des automatismes », dit-on sur le terrain. Parmi les joueurs, deux évoluent au poste de gardien, et sont voyants. Les autres s’organisent selon leur nombre. Habituellement, un match se joue à cinq, en position Y – deux attaquants, un milieu, un défenseur et un gardien. Ce soir, l’entraineur s’adapte : ce sera donc un trois contre trois, avec goal unique alterné. Le deuxième gardien enfilera donc la tunique du « guide », poste indispensable à l’évolution du jeu.

La fonction de guide, qui est un poste à part entière, est majeure : grâce à ses indications (« axe ! », « re-axe ! », « déclenche ! »), les joueurs peuvent se repérer sur le terrain, et anticiper les autres. Si la taille du terrain est plus petite qu’au football voyant (et se rapproche donc plus du handball), la question du placement reste majeure. D’où le « voy », qui sert à signaler sa présence. Enoncé en permanence par les joueurs, il semble agir comme un véritable marqueur de confiance : savoir où sont les autres, c’est ne pas avoir peur du contact.

Vient ensuite la séance de tirs aux buts, exercice impressionnant pour les non adeptes du Cécifoot. Le ballon est remué à droite, à gauche, puis au centre, afin de dessiner l’emplacement des cages à partir du son des grelots. Les filets tremblent, même si plusieurs tirs finissent à côté.

Championnat droit devant

Comme son grand frère du «Téfécé», l’équipe arbore le violet sur son maillot. Couleurs qu’ils défendent en championnat, dans ce qu’on appelle le B1. Cette section, réservée aux non voyants, se différencie des B2 et B3 où évoluent les malvoyants. Le championnat a débuté fin décembre, à Paris, et se poursuivra sur quatre nouvelles journées – trois de championnats, et une de Coupe de France. « Les autres clubs ont du mal à trouver des joueurs, nous c’est plutôt l’inverse », souligne David Labarre.

En 2006, Le Havre, actuellement club de ligue 2, fut le premier club à intégrer une équipe de « déficients visuels ». Bordeaux a suivi cette voie début 2014, avant que Toulouse ne fasse de même. « En espérant que cela inspire d’autres clubs professionnels. » Aujourd’hui, les joueurs du Cécifoot toulousain ne sont pas tous professionnels, et certains ont des activités à l’extérieur. David Labarre et Arnaud Ayax, les internationaux, ont un entrainement particulier, en plus des deux séances par semaine des violets.

L’agenda est bien chargé. D’ici juin, l’équipe a rendez-vous avec le championnat. Les internationaux rejoindront quant à eux Nantes, en avril, pour un stage de préparation en vue de l’Euro de Cécifoot en août. Quant à l’Euro 2016, organisé en France, il permettra également d’améliorer l’image du Cécifoot et d’augmenter sa renommée. Dans ce domaine, depuis quelques mois, cet autre TFC y participe fortement. But réussi.