La proposition de l’UMP de réformer l’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés en France de parents étrangers a créé la polémique, car cette disposition est durablement ancrée dans l’histoire.

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Jean-François Copé, président de l’UMP, affirme que le droit du sol donne automatiquement la nationalité française à toute personne née en France et oppose droit du sang et droit du sol. La législation est en réalité beaucoup plus complexe.

Les termes de droit du sol (est Français tout enfant né en France) ou de droit du sang (est Français tout enfant né de parents français) ne sont pas utilisés par le Code civil, qui distingue la nationalité par acquisition ou par filiation *.
Par acquisition :
– L’enfant né en France de parents étrangers obtient automatiquement la nationalité française à 18 ans si, à cette date il réside en France et si il y réside pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans, depuis l’âge de 11 ans.
– Entre 13 et 16 ans, ses parents peuvent demander la nationalité française pour lui, et il peut la demander lui-même à partir de 16 ans.

Un enfant est français de naissance (filiation) :
– lorsqu’il est né en France, si au moins l’un de ses parents (quelle que soit sa nationalité) est né en France, si au moins l’un de ses parents est français au moment de sa naissance, si au moins l’un de ses parents est né en Algérie avant le 3 juillet 1962.
– qu’il soit né en France ou à l’étranger, si au moins un de ses parents est Français.

Un totem législatif

Le droit dit « du sol » est un véritable totem ; ce n’est pas une invention moderne puisqu’il existerait depuis 1315, lorsque Louis X décréta que « le sol français affranchit l’esclave qui le touche. » Petit à petit aménagée, on retrouve cette disposition dans la Constitution de 1791 qui proclame que « sont Français les fils d’étrangers nés en France et qui vivent dans le royaume. »

Le droit du sol s’est imposé tout au long du XIXe siècle et du XXe siècle, avec une interruption durant le régime de Vichy. Des remises en cause régulières interviennent depuis les années 1980. En 1993, la « loi Pasqua » soumet l’obtention de la nationalité française, pour un mineur né en France de parents étrangers dotés d’une carte de séjour à une déclaration faite entre 16 et 21 ans. Cette disposition a été supprimée en 1998 par la gauche.

Un plagiat du FN ?

L’UMP annonce vouloir déposer une proposition de loi d’ici la fin de l’année afin « de mettre fin à l’acquisition automatique de la nationalité française des enfants nés en France de parents étrangers. ». Des dispositions restrictives concernant les droits des immigrés seraient également incluses (suppression de l’Aide Médicale d’Etat, restriction d’accès au RSA). Ces propositions s’appuient sur une présentation partiale du droit de la nationalité, mais révèlent surtout un virage à droite de plus en plus assumé, en convergence avec les thèses du Front national, qui a toujours affiché sa volonté de rétablir le droit du sang.

Dans le contexte actuel souvent hostile envers les immigrés, ce qui apparaissait comme très marginal s’affiche maintenant sans complexe. En 2012, Nicolas Sarkozy avait assuré ne pas vouloir y toucher. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui de Jean-François Copé, mais aussi de François Fillion, son rival au sein de l’UMP.

En tout cas, l’idée est loin de faire consensus et même dans les rangs de la droite. Patrick Devedjian et Henri Guaino ont vivement critiqué cette initiative.

* Code civil :
Nationalité par acquisition
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000006419321&idSectionTA=LEGISCTA000006136064&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20131028
Nationalité par filiation
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idSectionTA=LEGISCTA000006149907&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=vig