« Jardines del Paraiso ». Les Jardins du paradis, un joli nom pour un quartier qui n’a rien de paradisiaque. Cinq jeunes péruviens sont ici mis en scène pour illustrer une réalité sociale, avec simplicité et justesse. Hector Galván livre son premier long métrage de fiction, élu meilleur film au Pérou en 2010.

Paraíso. Un quartier pauvre de la banlieue de Lima. Il y a un peu plus de dix ans, s’achevait au Pérou une période de violence inouïe. Vingt ans pendant lesquels des populations entières furent anéanties. Principal théâtre des violences : la « sierra » péruvienne sud centrale, autrement dit là où vivent des populations rurales, pauvres, prises en tenaille entre d’un coté les terroristes et de l’autre, les forces armées, responsables elles aussi de nombreuses exactions. Le terrorisme touche aussi Lima, et la capitale est souvent privée d’électricité pendant d’interminables heures lorsque des pylônes haute tension sont dynamitées.

Lima est aussi la ville où sont installées des dizaines de milliers de personnes de la « sierra » qui ont décidé d’aller y vivre, pour fuir la violence, fuir les militaires et les « senderistas » [nom des guérilleros du Sentier Lumineux, principale organisation subversive] en espérant y trouver un avenir meilleur. Ces populations se retrouvent aujourd’hui dans des quartiers pauvres de la ville, marginalisées. Leurs conditions de vies sont difficiles.

Des histoires de vies

Sara est une de ces jeunes issue de la génération d' »après terrorisme ». Elle voudrait savoir à quoi ressemble son père, dont elle n’a jamais pu voir aucune photo, et pour cause. Sa mère est une de ses nombreuses femmes de la « sierra » violée par les militaires. Entre mensonges – sa mère lui répète que l’unique photo qu’elle avait pu garder de lui a brûlé dans un incendie – et cauchemars révélateurs – des nuits ou elle crie et gémit pour que les « cachecos » [soldats] la laissent tranquille, Sara comprend peu a peu la vérité sur sa naissance. Alors quand son petit ami, Mario, l’accueille un jour en tenue militaire et lui confie son désir d’entrer dans l’armée, Sara pleure mais ne se confie pas.

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Joaquin, lui, grappille des petits boulots pour gagner quelques sous. Quand il rentre chez lui, sa mère lui parle en quechua, l’exhorte à se marier. Il fera une découverte déterminante lorsque un petit cirque ambulant vient donner une représentation dans le quartier. Il demande au trapéziste de l’initier à son art, et repart finalement avec la troupe lorsqu’elle plie bagage. Antuanet, elle, est une jeune fille sérieuse, qui a compris que seule l’école pourra la sauver de ce monde et de ce quartier sans avenir. Elle se heurte à l’incompréhension de sa mère, qui refuse de lui donner la moitié de la somme dont elle a besoin pour étudier la carrière de ses rêves : journaliste. Sa mère la voit professeur, un point c’est tout et la discussion est finie.

Un tableau réaliste du pays

Au Pérou, lorsque l’on se réunit entre amis pour boire, un même verre circule entre les gens, et la bouteille est passée de main en main, sans que ce rituel ne se brise jamais. Les mototaxis circulent dans les rues, souvent dans les quartiers plus populaires, les affiches de cumbia sont criardes, et les portes n’ont- en général – pas de poignée. Autant de petites pépites, de petits particularismes culturels que l’on retrouve dans le film, sans cliché, sans faux exotisme pourtant, mais plein de références auxquelles on s’attache si l’on a voyagé quelques temps dans ces contrées lointaines.
Les déchetteries à ciel ouvert sont légion et il n’est pas rare d’y voir des gens s’affairer pour « faire fortune » dans le recyclage. Le pays est empli de sites archélogiques, souvent non protégés et Mario rêve de trouver dans ces « huacas » [tombes], saccagées par des pilleurs, un trésor inca, susceptible de le rendre riche. « Tu t’imagines, ne plus avoir besoin de travailler jusqu’ à la fin de tes jours ». Un joli portrait de ce pays complexe et plein de contradictions, sans misérabilisme mais avec juste ce qu’il faut de réalisme.

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