C’est une première. Les étudiants de Sciences Po Toulouse, spécialité journalisme, ont participé à la cinquième édition des Assises du journalisme à Poitiers.

Trois jours entièrement consacrés au journalisme. Trois jours de rencontres. Trois jours où journalistes et chercheurs discutent des nouvelles problématiques liées à la profession. Quel étudiant ne serait pas séduit par un tel programme ? Pourtant, ils n’étaient pas nombreux à s’être déplacés jusqu’à Poitiers. Environ deux étudiants par école de journalisme reconnue faisaient office d’ambassadeurs. Autant dire que notre délégation n’avait pas à rougir : 14 étudiants en journalisme étaient présents pour représenter l’IEP de Toulouse.

Les jeunes d’un côté, les professionnels de l’autre

Nous ne sommes pas déçus par le décor du Théâtre Auditorium de Poitiers (TAP), à la fois moderne, spacieux et épuré ; le lieu est tout simplement parfait. Seulement, avec ses immenses halls et ses couloirs de 8 mètres de large, la convivialité n’est pas réellement au rendez-vous. On aurait pu imaginer des discussions informelles ci et là entre professionnels et étudiants ou encore un journaliste chevronné donnant des conseils à un futur journaliste, mais rien de tel.

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Il faut le reconnaître, il est difficile d’aborder des professionnels qui s’empressent d’aller fumer leur cigarette et d’aller boire leur café, une fois la conférence terminée. Même chose au restaurant du TAP. Les têtes d’affiche de la profession se réunissent à la même table : Nicolas Demorand, directeur de publication de Libération, Pierre Haski, cofondateur de Rue89 et Yves Agnès, ancien rédacteur en chef du Monde partagent tranquillement un couscous, sous nos regards inquisiteurs. Regrettable ségrégation spatiale : les jeunes d’un côté, les professionnels de l’autre. Dommage.

Des débats de qualité face à un public muet

En revanche, les conférences sont à la hauteur de nos attentes. Les problématiques abordées sont pertinentes, d’actualité et permettent de répondre à bon nombre de nos interrogations. Comment utiliser les réseaux sociaux ? Le papier est-il mort ? Doit-on renforcer notre code déontologique ? Les idées fusent, les intervenants échangent leurs expériences, nous en prenons de la graine. Mais au moment de participer au débat, les choses se compliquent. Dans la majorité des cas, les micros sont monopolisés par les intervenants, nous assistons souvent à une discussion à huis clos entre pros et nous restons de simples spectateurs. Qui parle de média-centrisme ?

Heureusement, certains débats sont participatifs, notamment les face à face entre politiques et journalistes. Au pupitre, se succèdent François Bayrou, Jean-Luc Mélenchon et Eva Joly face à Nicolas Demorand et Edwy Plenel, le fondateur et directeur de Mediapart. Pas d’affrontements violents mais plutôt un débat autour d’une question globale : « Quelle démocratie ? ». C’est alors l’occasion pour les politiques de donner leur point de vue sur la sphère médiatique et d’expliquer quelles réformes ils entreprendraient s’ils étaient élus ou s’ils se présentaient aux présidentielles.

Mélenchon/Demorand : la réconciliation

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L’un des débats les plus attendus était sans doute celui entre Nicolas Demorand et Jean-Luc Mélenchon. On connaît l’amour que porte l’homme politique à la profession. On se souvient aussi du clash entre les deux hommes sur Europe 1 au début de l’année et on s’attendait à ce que les deux adversaires se livrent un combat sans merci. Que nenni. C’est dans le calme et avec humour que le candidat du Parti de gauche explique sa réticence envers les journalistes. « Comment voulez vous que je vous explique la crise grecque en trois minutes ? », déplore-t-il. Tout en poursuivant son argumentaire, il pointe du doigt l’homogénéité de l’information. « Dans certains pays, il y a seulement un média. Nous, on en a dix mais ils disent tous la même chose ». Rires dans la salle. L’ambiance est détendue. L’échange est productif et pacifiste.

Autre bonne surprise, une conférence sur les dix ans de grands reportages réalisés en Afghanistan. Sous forme de témoignages, les quatre journalistes présents livrent leurs expériences sur le terrain : les coups durs, l’adrénaline, les contraintes du pays, rien n’est laissé de côté. Pas d’héroïsme dans les discours, ni de pathos au moment de rendre hommage aux journalistes morts sur le terrain, juste un échange sur la profession, un état des lieux d’un métier tant fantasmé, une réalité brutale teintée de courage et d’humilité.