Le bandeau rouge vif s’est affiché dès le vendredi matin, sur la plateforme ADAGE : le budget a été atteint, seules les sorties scolaires préalablement validées auront lieu cette année. C’est cette plateforme que les enseignants des collèges et lycées utilisent pour planifier les sorties culturelles et activités scolaires. Désormais, et d’ici à la prochaine année scolaire, le budget est gelé.

C’est avec stupeur que Magalie, professeure de français dans un collège toulousain, à appris jeudi soir que le budget des pass Culture collectifs allait être gelé. Depuis 2022 ce dispositif propose, à travers la plateforme ADAGE, un crédit alloué à chaque classe de collège et lycées, au prorata du nombre d’élèves, afin de financer des projets d’éducation artistique et culturelle. Les enseignants et leurs partenaires culturels programment des activités, qui sont ensuite validées quelques jours avant leur tenue. Dès lors qu’elles sont validées, la plateforme rémunère les partenaires culturels.

« On ne l’a pas appris par voix officielle »

Jeudi, pour Magalie, « c’était la panique ! » La plateforme ADAGE était complètement saturée, tous les enseignants de France étaient connectés pour valider les activités programmées. « On ne l’a pas appris par voix officielle, pour la plupart, on a été prévenus officieusement, la veille pour le lendemain, par nos partenaires culturels », précise-t-elle. Ils s’inquiétaient du temps restant pour valider les sorties programmées avant le gel total du budget le lendemain matin. Mais pour beaucoup, le bug de la plateforme ne leur a pas permis de valider les sorties programmées.

Certains sont peut-être parvenus à valider les sorties programmées, d’autres n’auront même pas utilisé 10% du budget qui leur est alloué à l’année. « Les modalités de l’annonce ont créé un état de stress, de panique. Beaucoup de choses qui avaient été lancées n’auront pas lieu, et au vu de la conjecture générale rien ne nous laisse penser que ces budgets vont être un jour dégelés », souligne l’enseignante.

De leur côté, les partenaires culturels s’avèrent tout aussi stupéfaits. « On ne s’y attendait pas du tout. C’est un dispositif qui fonctionne très bien », affirme Émilie Pradère, co-directrice du service des publics au Théâtre de la Cité, à Toulouse. Le pass Culture collectif s’avère être le véritable vecteur des projets artistiques et culturels avec les scolaires. « C’est très utilisé et très conséquent. Sans ça, les établissements n’ont absolument pas la marge de manœuvre financière pour pouvoir mettre en place ce genre d’activités », ajoute la jeune femme. L’accessibilité de la culture au plus grand nombre est pourtant un principe important dans ce domaine.

« On ne s’y attendait pas du tout. C’est un dispositif qui fonctionne très bien »

Le pass Culture est initialement un dispositif individuel datant de 2019 et qui permet à tous les jeunes de 15 à 18 ans de bénéficier de 300€ dédiés à des activités ou des biens culturels et artistiques. En 2022, une version collective du pass est lancée à travers la plateforme ADAGE, en complément du premier. Un rapport de la Cour des comptes évaluant le dispositif est paru fin 2024, et stipule que « le dispositif individuel touche moins les jeunes les plus éloignés de la culture, et son utilisation ne permet pas non plus de réduire les écarts observés en fonction du milieu social d’origine. Contrairement à la part collective qui repose sur le travail de médiation des enseignants permettant donc de contrecarrer les effets liés aux inégalités structurelles préexistantes dans l’accès à la culture. »

Alors que de nombreux professionnels de la culture et de l’enseignement manifestaient ce dimanche pour la reprise du dispositif, la ministre de l’Éducation, Elisabeth Borne, a finalement déclaré que l’objectif de « proposer des enseignements artistiques et culturels aux élèves » demeurait « inchangé ». Elle précise également que le ministère procédait à un « recensement des projets en cours qui n’ont pas pu être validés pour cette année scolaire ». De son côté, Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, principal syndicat des collèges et lycées, estime que le ministère devait « assumer ses responsabilités et trouver rapidement une solution pour garantir la pérennité de tous les projets envisagés ».