Depuis mars 2008, une nouvelle majorité est à la tête de la municipalité de Toulouse. Pierre Cohen avait fait de la culture un enjeu majeur de son mandat à travers le slogan » la culture partout, la culture pour tous « . Où en est la municipalité aujourd’hui, alors que les Assises de la culture vont bientôt toucher à leur fin? Clémentine Lerévérend, chargée des assises de la culture auprès de Nicole Belloubet, maire adjointe chargée de la culture, a accepté de répondre à nos questions.
Univers-cités : Quels sont les faits marquants, en matière de politique culturelle, depuis l’arrivée de la nouvelle municipalité?
Clémentine Lerévérend : Il y a deux choses qui se sont passées. D’abord le projet Toulouse 2013 était déjà lancé, donc on a pris le train en marche. Ensuite, nous avons décidé de lancer les Assises de la culture. C’est une instance de consultation de la population, tant des habitants que des acteurs culturels de Toulouse, de façon à les faire participer et à mettre en lumière toutes les carences pour construire le nouveau projet culturel qui sera instauré en 2009.
Quelles sont ces carences?
Ce sont des carences qui sont statiques depuis une quarantaine d’années. L’ancienne municipalité n’avait pas de politique culturelle à proprement parler. Elle a certes mis en avant certains aspects de la culture à Toulouse qui ne sont pas forcément mauvais, à savoir le Théâtre national du Capitole ou l’Orchestre national du Capitole. Ces projets ont permis le rayonnement de Toulouse, mais ils ont été trop privilégiés, ce qui a crée un certain déséquilibre.
Pensez-vous que ces carences sont à l’origine de l’échec de Toulouse 2013?
Je ne pense pas. Le titre de capitale européenne est, selon moi, avant tout un titre politique (ndrl: la polémique selon laquelle la ville de Marseille a été choisie du fait de l’appartenance de son maire, Jean-Claude Gaudin, à l’UMP). Puis, on a constaté que l’ensemble des acteurs du réseau local n’avait pas été associé à ce dossier. On a voulu réagir à notre arrivée, en mars, mais en six mois, c’était difficile. Je pense que ce sont les raisons essentielles de l’échec de Toulouse. Marseille avait néanmoins un très bon dossier et ils ont obtenu le titre de capitale européenne de la culture pour 2013. Toulouse avait aussi un bon dossier. Après tout c’est un concours, on ne peut pas forcément gagner.
Pierre Cohen avait affirmé vouloir » faire rebondir Toulouse en Europe « en s’appuyant sur le projet Toulouse 2013. Qu’en est-il concrètement?
C’est évident qu’on ne peut pas jeter à la poubelle tout le travail fait par l’équipe qui s’occupait du projet. Nous voulons intégrer les choses qui paraissent pertinentes dans ce dossier au projet culturel de Toulouse. Mais nous ne savons pas encore la part des projets qui seront retenus. Il est évident que ça a mis en lumière ce qui manque comme une « cité des musiques » ou « une cité des danses ». Le choix se fera en adéquation avec notre politique culturelle.
Et quelle est cette politique culturelle?
Nous sommes actuellement dans une période de transition. Nous construisons notre politique culturelle sur la base des Assises de la culture qui se terminent le 29 novembre 2008, pour le projet 2009 qui sera installé en janvier ou février. Tout devra alors être cohérent avec la ligne politique que nous allons définir. Bien sûr, ce ne sera pas quelque chose de rigide. Si quelque chose d’intéressant apparaît, nous pourrons l’inclure.
Il y a trois axes qui se dégagent pour l’instant de notre politique culturelle. D’abord, l’axe d’un territoire solidaire, c’est à dire qu’il faut réaménager et rééquilibrer le territoire pour faire en sorte que tous puissent accéder équitablement à la culture qui permet de favoriser le lien social et d’améliorer la qualité de vie des Toulousains. Il y a ensuite l’axe d’un territoire créatif. Il faut donner les moyens de
pouvoir créer aux acteurs culturels afin de redevenir une ville attractive. On a une foule d’artistes de divers horizons mais il manque des espaces de création et de diffusion, donc ils partent. Cela passe par la revalorisation du patrimoine culturel existant et une utilisation meilleure de ce dernier. Ça passe aussi par la construction de nouveaux locaux.
Il y a enfin l’axe d’un territoire d’ouverture. Il y a une sorte de dichotomie qui s’est créée; d’un côté la culture du centre-ville avec la musique classique et de l’autre, la culture des quartiers. On veut casser cette barrière en essaimant les nouveaux équipements sur tout le territoire de la ville. Ensuite, il y a la barrière géographique. Quand on habite le Mirail, on ne peut pas forcément venir voir un spectacle qui se termine vers minuit parce qu’après il n’y a plus de métro. La solution serait par exemple de rallonger les horaires du métro. Enfin, il y a la barrière psychologique. Beaucoup de gens ne s’imaginent pas aller voir l’Orchestre national du Capitole. Par exemple, les étudiants ne savent pas qu’il y a un quota de places à cinq euros qui leur est réservé.
Comment comptez-vous financer ces actions?
Il y a d’abord 16% du budget de la mairie qui est consacré à la culture pour cette année. On prévoit peut être une légère hausse pour 2009 mais pour les financements, il faudra mieux répartir les moyens afin d’être en mesure d’aider les petits acteurs. On va aussi voir si telle ou telle structure a vraiment besoin d’autant d’argent pour fonctionner ou si elle ne peut pas trouver d’autres moyens pour fonctionner, comme des financements d’entreprises ou de l’économie sociale et solidaire pour certaines structures moyennes. Cette gestion devrait nous permettre d’avoir des marges de manœuvres plus importantes.
Il y a aussi le » Club des entreprises » (une agglomération de petites et moyennes entreprises, de petites et moyennes industries et de grosses entreprises). Le club faisait partie de l’association Toulouse 2013 et avait participé à son soutien et à son financement. Les entreprises sont toujours volontaires pour travailler avec nous sur la culture malgré l’échec. Enfin, il y a les partenariats avec la Région, le Département et le Grand Toulouse.
La municipalité a-t-elle des projets culturels en cours?
Parmi ce qui est en cours, il y a la friche culturelle au Mirail qui sert de lieu de spectacle et d’atelier pour les compagnies. C’est un lieu de création qui sera inauguré d’ici janvier. Il y a aussi un projet auquel on n’a pas encore donné corps car on y réfléchit encore. C’est le Grand Projet de Ville (GPV), une politique qui vise à mieux intégrer dans la ville les quartiers qui en ont besoin. Ce sont des quartiers comme Le Mirail ou Amouroux. Le volet culture du GPV prévoit d’y faire des équipements culturels. On a des propositions comme la création d’une maison de l’image et de la photo mais pour l’instant rien n’est décidé. Enfin, il y a des idées comme la création d’une cité des danses ou bien l’aménagement de la prison Saint-Michel. C’est le lieu idéal pour une friche culturelle réunissant des artistes de divers horizons. Mais nous attendons la fin des Assises de la culture, le 29 novembre, pour vraiment dessiner le projet culturel pour les années à venir.