« Si le projet de décret n’est pas retiré, l’université s’arrêtera. » Promesse tenue par les syndicats. Depuis plus de trois semaines, les manifestations et les assemblées générales (AG) se multiplient à Toulouse. «La grève totale, reconductible et illimitée » votée par la Coordination Nationale des Universités, le 2 février dernier, est toujours d’actualité. Malgré la nouvelle mobilisation de ce jeudi 26 février, les enseignants chercheurs de Toulouse ne sont pas tous à égalité. En effet, si au Mirail la plupart des cours ne sont pas assurés, les professeurs de l’université de l’Arsenal, eux, n’ont pas pu se battre avec les mêmes armes.

photobanderolerechpubliq-2.gif « C’est la première fois depuis longtemps que les profs de droit se mobilisent », s’était extasiée une enseignante en littérature lors de l’AG du 29 janvier. Mais, sous la pression du président de l’Arsenal, 22 enseignants-chercheurs en droit public ont été contraints de communiquer à l’administration les notes des examens du premier semestre. Vraiment contraints ? « Ils ont carrément été menacés », explique Pauline, étudiante en droit, « leur salaire journalier pourrait leur être retiré pour chaque jour où ils ont refusé de rendre les notes ».

Malgré les pressions, le mouvement continue dans les universités. « Ce n’est pas une journée unique qui fera reculer Sarkozy. Il faut s’organiser dans la durée pour éviter que ses réformes aboutissent. » avait prévenu Enrique Fraga, syndiqué à SUD Education, lors de l’AG du 29 janvier. «Notre réaction doit être très dure. »
Les semaines passent, mais les revendications restent. Nouveau rebondissement ? La nomination par Valérie Pécresse d’une médiatrice, le 9 février dernier. Claire Bazy-Malaurie, présidente de chambre à la Cour des comptes avait été nommée, début 2008, à la tête du comité de suivi de la loi sur l’autonomie des universités. Elle a fait part de sa volonté de « construire un texte nouveau » aux présidents d’université (CPU), doyens et syndicats représentatifs présents à la réunion du mercredi 11 février. Vue comme une « main tendue » par certains, comme « un paravent » par d’autres, cette nomination est loin de calmer les tensions. Le message reste clair : « Tous aux manifestations du 5 mars, 10 mars et 19 mars ». Leur vrai combat ? « Empêcher la modification du statut d’enseignant-chercheur, contenue dans le projet de décret d’application de la loi LRU ».
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Remise en cause de l’indépendance des enseignants-chercheurs

En allant à l’encontre de l’indépendance des enseignants-chercheurs, le projet de décret modifie un statut en vigueur depuis 1984. Le Conseil National des Universités, dépossédé de ses prérogatives, ne pourra plus interférer dans l’avancement des carrières. Ce rôle sera désormais dévolu au président de l’université qui verra ses pouvoirs s’accroître considérablement. Et c’est là que le bât blesse. François, 25 ans, étudiant en master 2 d’écologie à l’université Paul-Sabatier se destine à la recherche. « Une modulation individualisée des services, ça veut dire la fin du principe d’égalité entre les universitaires et un vrai risque que se développe une forme de clientélisme vis-à-vis des présidents. »

L’annonce de la suppression de 900 postes dans l’enseignement supérieur et la recherche va à l’encontre des paroles tenues par le gouvernement en juin dernier, gouvernement qui promettait alors plus de moyens dans les universités. Ce nouveau retournement a fait déborder le vase. « C’est la modulation individualisée des services qui va permettre une variable d’ajustement aux suppressions de postes au-delà des 192 heures d’enseignement prévues dans le décret de 1984 », précise Xavier Lambert. « Ces suppressions ne concernent pas moins de 223 postes dans les universités. »

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Le jour où enseigner est devenu une punition

« L’origine noble de l’enseignement est complètement oubliée. Aujourd’hui le gouvernement le présente comme une pénalité pour les chercheurs qui ne publient pas assez. », s’insurge Enrique Fraga, « Le statut de l’enseignant-chercheur est totalement méprisé. » La peine se traduirait par une augmentation du nombre d’heures d’enseignement. Pourtant les chercheurs sont unanimes, recherche et enseignement sont intrinsèquement liés. Impossible d’occulter les rôles d’auditeurs, mais aussi d’acteurs que jouent les étudiants vis-à-vis de la recherche. Moins de professeurs, plus d’enseignement pour « les mauvais chercheurs », une raison de plus de se mobiliser pour les jeunes qui scandent de Compans aux Puits-Creusés: « Qui sème la misère, récolte la colère ».