Christophe Deltombe succède à Martin Hirsch à la tête d'Emmaüs

Christophe Deltombe, président d’Emmaüs :

Après la présidence de Martin Hirsch, une rupture ?
_ Il ne s’agit pas de rupture, en fait, nous poursuivons une réforme. Emmaüs est un mouvement qui compte 250 structures, qui s’intéresse aux SDF, à l’accueil d’urgence et à la réinsertion sociale, avec des structures un peu originales : les communautés et les entreprises d’insertion.

Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives du gouvernement Fillon…
_ C’est un choix personnel.

Un soutien dans votre combat ?
_ Ancien président d’Emmaüs, il partage un certain nombre de préoccupations avec le Mouvement. Par exemple, au moment où le
député Mariani, qui a beaucoup d’imagination, avait proposé d’interdire l’accès des sans papiers aux centres d’urgence, on a beaucoup bataillé.
Martin Hirsch est monté au créneau avec nous et nous avons obtenu que l’amendement soit retiré. Au sein du gouvernement, c’est une oreille attentive à des préoccupations qui sont proches des nôtres.
_ Maintenant, il peut arriver qu’on soit en désaccord, on se le dit en toute honnêteté. Disons qu’on se comporte avec Martin Hirsch en toute amitié mais de la même manière qu’avec n’importe quel ministre.

Le DAL, les Enfants de Don Quichotte…
_ Il y a les associations médiatiques et puis il y a les autres. Nous avons des relations avec les grandes associations que sont le Secours catholique, Médecins sans frontières, Médecins du Monde. Ce sont nos partenaires habituels, je dirais des partenaires institutionnels. Par contre, le DAL et les Enfants de Don Quichotte, ce ne sont pas des structures. Ce sont des groupes de militants qui font des opérations très médiatisées. Ils ne gèrent pas le problème. Par exemple, les Enfants de Don Quichotte ont
fait une opération l’année dernière, le long du canal Saint Martin à Paris, qui a fait beaucoup de bruit. Derrière, ce sont Emmaüs et la Fnars [[Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale]] qui ont récupéré les morceaux. On n’est pas toujours d’accord avec leurs méthodes…

Le Grenelle de l’Insertion, des attentes particulières ?
_ Bien sûr, nous y participons. Le programme de travail est un programme de réflexion sur les minima sociaux, sur les contrats d’insertion et sur toutes les propositions qui pourraient être soulevées. Il y a eu des appels à projet, Emmaüs en a déposé. Une commission va recenser les projets les plus intéressants et, à partir de là, on va travailler tous ensemble. Il n’y a pas de différence droite-gauche.
C’est le principe du Grenelle et c’est une très bonne idée.

«Si vous me demandez si je veux être ministre, la réponse est non»

Le revenu de solidarité active ?
_ C’est simple, le RSA vise à ce que les effets de seuil ne pénalisent pas ceux qui retrouvent un emploi en leur faisant perdre les minima sociaux. Le but c’est que la personne qui se remet au travail ne soit pas moins bien rémunérée que la personne qui ne travaille pas.

Et l’Europe ?
_ Au niveau européen, il y a des décisions qui se prennent à Bruxelles sur lesquelles nous devons peser. S’agissant de l’insertion, il n’y a pas encore de choses significatives. En revanche, ce qui s’annonce à l’horizon est un projet de directive absolument ignoble. Il consisterait à pouvoir garder en centre de rétention des sans papier pendant dix-huit mois. C’est absolument scandaleux ! Voilà ce qui se fait aujourd’hui au niveau européen. Donc, bien sûr, contre ça, on lutte.

Quelles ambitions avez-vous pour l’après Emmaüs ?
_ Alors, si vous voulez me demander si je veux être ministre, c’est très simple, la réponse est non. Nous sommes élus pour des mandats de
deux ans renouvelables deux fois. Je ne sais pas encore combien de temps durera le mien. Vous savez, quand on a compagnonné durant
plus de vingt-cinq ans avec Emmaüs, bien souvent, on continue.

Optimiste ou pessimiste concernant les actions du gouvernement ?
_ Il y a du bon et du moins bon. Dans le bon, il y a le RSA. Le Grenelle de
l’Insertion me parait également une bonne démarche, on verra ce qui en sortira. En revanche, le bouclier fiscal est vraiment un cadeau totalement inutile. Cela représente 15 milliards d’euros en moins ! En comparaison, le RSA représente 800 millions d’euros, ce n’est même pas 1/15ème du bouclier fiscal ! Rien que ce rapport fait froid dans le dos…
La loi sur l’immigration et le regroupement familial est également une loi absurde. Il s’agit en fait d’empêcher le plus possible le regroupement des personnes en situation régulière ! Autre mesure annoncée, c’est la réduction des budgets en matière de contrats aidés. Donc le bilan est plutôt négatif. Il y a de bonnes mesures annoncées, une qui est en cours d’expérimentation, celle du RSA, pour le reste, c’est négatif.

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Dans les centres Emmaüs, des attentes sans illusions

Emmaus.jpgInconnu au bataillon. A la friperie Emmaüs de Saint-Aubin, l’ascension de Martin Hirsch au poste de haut commissaire aux solidarités n’est pas au centre des préoccupations.
«Moi, vous savez, je ne suis pas trop la politique», nous confie Joëlle, venue acheter des vêtements pour ses deux filles. Les clients de ce magasin ont d’autres tracas. L’arrivée de l’ancien président du Mouvement dans le gouvernement Fillon les laisse perplexes. Pour Clémence, «tout le monde quitte le navire» ; Joëlle, quant à elle, espère «qu’il pourra aider Emmaüs depuis le gouvernement. Peu importe que ce soit un gouvernement de droite ou de gauche».

En ce qui concerne le Grenelle de l’insertion, ouvert depuis le 23 novembre dernier, «les attentes sont importantes mais sans illusion.
Mais attention, Emmaüs est contre l’assistanat car le travail est une valeur de reconstruction de l’individu. Un homme qui travaille est un homme digne, un homme debout
» insiste Christian Barbot, président d’Emmaüs Toulouse. Il ajoute: «Je ne suis ni pessimiste, ni optimiste, j’attends. Il faut voir si tout ça n’accouche pas d’une souris».
[[Emmaüs Saint-Aubin, 2 bd Michelet 31000 Toulouse]]

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Emmaüs, bientôt 60 ans de combat

1949 – Fondation du Mouvement Emmaüs par l’Abbé Pierre
_ 1er février 1954 – Appel de l’Abbé Pierre à « l’insurrection de la bonté »
_ 1971 – Fondation d’Emmaüs international
_ 1985 – Fondation d’Emmaüs France
_ 18 mai 2007 – Entrée de Martin Hirsch, ancien président d’Emmaüs, dans le gouvernement Fillon au poste de haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté
_ 23 novembre 2007 – Ouverture du Grenelle de l’insertion
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