Suite à une décision adoptée par la mairie de Toulouse en octobre dernier, la zone à faibles émissions (ZFE) ne s’applique pas pour les véhicules Crit’Air 3 en ce début d’année 2024. Sa suspension a soulevé de vifs débats notamment par rapport à son efficacité pour lutter contre la pollution de l’air.
La suspension de la ZFE avait été un moment de satisfaction pour de nombreux usagers, notamment représentés par le collectif 31 suspension ZFE. Cette interdiction de circuler dans le périmètre délimité aurait concerné 30 000 véhicules selon Bernard Marquié, membre du collectif. Face à l’absence d’alternative pour les détenteurs de Crit’Air 3, le collectif avait plaidé pour la suspension de son application, prévue pour 2024. L’opposition municipale avait également dénoncé l’injustice sociale de la mesure.
Pourtant, le problème de la pollution atmosphérique dans les villes subsiste. Le week-end dernier, l’indice de la qualité de l’air de l’Atmo, observatoire agréé pour assurer la surveillance de la qualité de l’air sur la région Occitanie, était dégradé à Toulouse. Il était d’une valeur de 3 (sur une échelle allant jusqu’à 6). Ces épisodes sont plutôt fréquents, où la voiture reste « la première source de pollution en ville » selon la pédiatre et pneumologue Jocelyne Just, interviewée par Le Monde.
Les données de l’Atmo permettent d’ailleurs de constater que, même si la qualité de l’air tend à s’améliorer en 2022 dans la métropole toulousaine, trois polluants restent au-dessus des seuils réglementaires. Il s’agit du dioxyde d’azote, de l’ozone et des particules fines. Nocifs pour la santé humaine, ils sont à l’origine de la hausse de certaines pathologies comme l’asthme ou les allergies.
Pour lutter contre la pollution de l’air, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise des seuils à ne pas franchir. La limite d’exposition annuelle à ne pas dépasser pour le dioxyde d’azote et les particules en suspension est de 10 microgrammes (µg) par mètre cube (m3). À Toulouse, en 2022, la concentration moyenne annuelle en air ambiant du dioxyde d’azote était de 14 µg/m3, toujours selon les données de l’Atmo.
Une ZFE suspendue sans report prévu
La décision de suspendre la ZFE pose toujours question, alors qu’elle devait permettre l’interdiction de circulation de plusieurs milliers de véhicules polluants. Pour Maxime Le Texier, élu municipal appartenant au groupe Archipel citoyen, elle va à contre-sens de ce que la mairie doit faire pour réduire la pollution atmosphérique : « c’est reculer pour ne pas faire. » « D’un point de vue social, nous sommes d’accord avec cette décision. La ZFE ne doit pas représenter une injustice sociale pour les ménages modestes », concède l’élu. C’est pourquoi il plaide pour un meilleur accompagnement des usagers.
Il souligne cependant qu’« avec le durcissement des normes de l’OMS », il est nécessaire de « favoriser d’autres moyens de transport que la voiture. » Maxime Le Texier déplore l’absence de calendrier : « nous n’avons aucune visibilité. Ce n’est pas un report de la ZFE mais bien une suspension, sans aucune nouvelle date prévue d’application. » Pourtant, « il va bien falloir prendre des mesures pour diminuer la pollution atmosphérique si on veut respecter les obligations légales auxquelles la métropole est soumise. » Le groupe Archipel citoyen défend notamment le développement d’une offre massive de transports en commun.
« C’est une ZFE de papier »
En plus de l’absence d’une nouvelle date d’application pour les Crit’Air 3, Maxime Le Texier pointe du doigt le contrôle inexistant de la ZFE. « Les Crit’Air 4 et 5 sont déjà interdits depuis un an. Pourtant, il n’y aucune mesure de contrôle, ni de communication sur le sujet d’ailleurs », explique-t-il.
Contactée par Univers Cités, la métropole de Toulouse n’a pas donné suite à une demande d’interview avec le vice-président François Chollet, en charge de l’écologie, du développement durable et de la transition énergétique, en raison « des nombreuses sollicitations et des emplois du temps chargé des élus. »
À défaut d’avoir une ZFE plus contraignante, certaines voies sont limitées à 30km/h depuis le début de l’année dans la ville. « La garantie de moins de pollution dans l’air », selon le site de la métropole.
Zoom sur la ZFE : suite à une directive de l’Union européenne datant de 2008, des seuils de pollution atmosphérique ont été mis en place afin de préserver la qualité de l’air ainsi que la santé des habitants. Chaque État a dû prendre des mesures afin de respecter le droit européen. En France, cela s’est traduit par la création de zones à faibles émissions (ZFE) dans les agglomérations métropolitaines les plus polluées. Il s’agit de restreindre la circulation de véhicules polluants, classés en fonction de leur émission de particules fines par des vignettes Crit’Air (allant de 1 à 5). Les voitures Crit’Air 4 et 5 sont interdites depuis janvier 2023 dans la ZFE toulousaine. Cette interdiction devait s’étendre aux véhicules Crit’Air 3 en janvier 2024. Mais suite à un assouplissement annoncé par le gouvernement, il a été possible pour la mairie de voter la suspension de cette mesure.
Crédit photo : Vanessa Abadie