Casquette, lunettes de soleil, verbe acéré et enquêtes sourcées : voici TPZ, jeune vidéaste toulousain aux 73 000 abonnés et figure montante du “YouTube rap game”. Il se sert du rap comme point de départ pour traiter de sujets de société plus larges, comme la consommation de drogues, ou les arnaqueurs dans le monde de la musique. Il éclaire les zones d’ombre de chaque sujet, “peu importe si ça plaît ou pas à l’industrie”. Rencontre.

Que penses-tu de la scène rap toulousaine aujourd’hui ?

On n’est pas perçus comme une ville de rap en France. Pourtant, à Toulouse, on a un vrai passé, mais on l’a perdu. Parmi les anciens, certains ont sombré dans la drogue, et BigFlo et Oli sont passés du rap à la pop, donc c’est délicat. Il faudrait réussir à rattraper les racines, chose qui est faisable. On est actifs d’un point de vue musical, il y a des bars partout, des open-mics, il y a tous les genres… On est une ville d’artistes, au-delà du rap.

Mais c’est délicat aussi de faire émerger Toulouse parce que beaucoup de Toulousains sont de passage. L’idée pour moi c’est de ne jamais lâcher cette ville, mais de connecter avec d’autres métropoles, comme Lyon par exemple, avec qui la connexion existe déjà. Le but est aussi de donner aux gens d’ailleurs l’envie de découvrir le rap de Toulouse. De défendre et porter les couleurs de la ville comme les rappeurs d’Île-de-France le font avec leur département.

Le rap toulousain a longtemps eu une image de rap old school. Maintenant, on a des gens qui sont capables de proposer, comme GR OMEGA par exemple. Il y a toujours eu du rap à Toulouse, mais on manque à chaque fois d’artistes qui arrivent à “convertir l’essai”, et à vraiment percer au-delà de notre ville. La dynamique est très positive après, quand tu vois le nombre de rappeurs qui investissent les scènes et qui n’hésitent pas à se produire. Beaucoup ont la capacité de faire quelque chose : Yanamko, Jethro, Yelo, ou même Deelee S, pour ne citer qu’eux. 

Qu’est ce qui t’a poussé à te lancer dans la création de vidéo ?

Je viens de la campagne à la base, donc c’est d’abord l’ennui qui m’y a amené. J’étais très manuel, mais à un moment, j’avais fait le tour de ce que je pouvais faire avec des palettes et de la ferraille. Puis, j’ai fait beaucoup de sport, du quad, etc… j’étais souvent dehors. Et j’ai enfin eu Internet, quand je suis rentré au collège. Je me suis lancé sur Youtube avec le jeu vidéo, en 2013-2014. Puis, vers 2017, le rap a pris de plus en plus de place dans ma vie, et depuis ça n’a pas arrêté. C’est vraiment ce qui m’anime.

Le format vidéo me permet de transmettre au mieux. J’apprends des choses quand je fais des recherches, des enquêtes, et j’ai envie de transmettre ce que j’apprends, les informations sur lesquelles je tombe, comment je les ai trouvées… Le but est de faire à la fois du divertissement et de la pédagogie.

Qu’est ce qui t’anime quand tu fais tes enquêtes ?

J’aime me donner et prendre ce rôle de lanceur d’alerte en casquette. Ce qui me donne envie de faire ça, c’est l’envie d’être utile pour les gens qui m’entourent et pour ma génération, quitte à être clivant. Moi, je ne cherche pas à faire du consommable, je ne veux pas en faire. Encore aujourd’hui, les gens regardent mes vidéos d’il y a deux ans parce que c’est intéressant, instructif, et intemporel. Faire un top sur les pires albums de 2023, ça ne m’intéresse pas. Je préfère faire 30 000 vues sur une vidéo qui m’a pris du temps, en me positionnant clairement sur le sujet que j’aborde, et que les gens soient reconnaissants. Je me nourris plus de la gratitude des gens que des stats.

Le documentaire sur la “lean” et ses ravages m’a pris un an, celui sur Bushy m’a pris deux années, j’ai passé 8 ou 9 mois sur “L’Arnaqueur du rap”... Il y a beaucoup de vidéos que je commence entre un et un an et demi avant leur publication. La finalité, ce serait d’aller encore plus loin dans la réalisation, de faire des enquêtes de terrain également. En ce moment je cherche des subventions pour que ce soit possible.

Pour résumer ma situation, l’ascenseur monte très lentement, mais j’ai envie d’être utile, de contribuer positivement à la société. Et encore je dis très lentement, mais depuis 2019 j’ai quasiment doublé mon nombre d’abonnés chaque année, à part entre 2020 et 2021.

Comment tu perçois ton rôle dans le milieu du rap sur Toulouse ?

Je me vois un peu comme médiateur, investisseur, tremplin un peu aussi. Je suis un hybride. Je suis une personnalité publique, mais j’ai ma place partout. Peu importe avec qui je dialogue, mon comportement ne change pas. Je reste proche de tout le monde. Et puis, je me sens bien à Toulouse aussi parce qu’il y a une génération de gens reconnaissants, qui se tendent la main.

J’ai aussi un rôle d’unificateur. Il faut voir le rap à Toulouse comme plein d’essaims d’abeille différents, qui ne se connaissent pas forcément entre eux, qui restent un peu de leur côté. J’aime connecter tous ces gens. C’est le cas surtout avec la génération qui émerge en ce moment. Les relations avec tous ces artistes sont simples, ce sont des gens avec qui il est très simple de dire les termes. C’est d’autant plus intéressant qu’il y a du potentiel, qui placera (ou replacera) Toulouse sur la carte du rap français.

Crédit photo : 0sharl