Il y a 25 ans le hip-hop arrivait en France. Depuis où en sont ses valeurs ? Telle était la question de la rencontre-débat organisée le samedi 17 novembre à l’hôtel Palladia, avec les plus anciens activistes toulousains de la discipline.

Le Centre d’art chorégraphique de danses urbaines (CACDU) et le Tactikollectif, organisateurs de la conférence, avaient bien fait les choses en invitant l’importateur officiel de cette culture urbaine dans l’hexagone. Les puristes auront bien évidemment reconnu Sydney, animateur de la célèbre émission « Hip-Hop », diffusée sur TF1 au milieu des années quatre-vingt.
Sydney à Toulouse_ « Avec ce programme, nous avons pu médiatiser cette mouvance et ainsi la pérenniser. Je pense que c’est grâce à ce programme que la France est devenue la deuxième nation du hip-hop dans le monde, derrière les États-Unis », déclare l’invité d’honneur.
_ L’émission de Sydney ne dure qu’un an. Hervé Bourges, le PDG de TF1 à l’époque, pensait que la mode du « break » et du rap était passée.
Une période plus noire s’en suit. L’effervescence des débuts retombe vite pour laisser la place aux temps de la discorde entre les représentants de l’ancienne et de la nouvelle génération. « Au début des années quatre-vingt-dix, les jeunes ne pensaient pas que l’on pouvait réussir avec le hip-hop. Certains ont préféré se consacrer au sport, d’autres sont malheureusement tombés dans la débauche. Nous, on se cachait pour répéter nos pas de danse car on était considéré comme des fous », se souvient Abdoul, danseur et chorégraphe toulousain.

Le hip-hop français manque de bases

Au milieu de la décennie quatre-vingt-dix émergent des noms connus sur la scène du rap français. NTM, IAM et autres Assassins relancent la mouvance et l’installent véritablement dans le patrimoine culturel.
_ Cette culture importée des États-Unis n’en est pas pour autant sortie d’affaire et se retrouve maintenant confrontée à un autre danger : la récupération commerciale. « Les adolescents qui écoutent Skyrock ou Fun Radio ne connaissent que les morceaux de Booba ou de Diam’s, mais très peu d’entre eux ont entendu parler d’Eric B et Rakim ou encore d’Afrika Bombaattaa, les pionniers du hip-hop », constate avec déception un jeune homme de 28 ans, présent lors de la conférence.

Une culture laissée à l’abandon par les institutions

Hugues Bazin, chercheur en sciences sociales, a beaucoup travaillé sur la diffusion de cette pratique underground en France. Il en tire plusieurs constats alarmants au cours du débat. « Le hip-hop et ses représentants ont maintenant une visibilité et une reconnaissance médiatique mais ce n’est pas encore une force capable d’influencer les choix politiques, notamment en matière culturelle », estime-t-il.
_ Un état de fait d’autant plus cruel pour les activistes de terrain qui mettent à disposition de leur quartier un champ de compétences très large. « Cette culture est d’utilité publique, c’est une force structurante pour la jeunesse, mais elle est malheureusement laissée à l’abandon par les institutions » conclut Hugues Bazin.