Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes en novembre dernier, les forces de l’ordre sont mobilisées tous les samedis pour couvrir les manifestations. Des moments de tensions où les violences policières sont souvent pointées du doigt. Rencontre avec ces professionnels en uniforme bleu, dont le premier devoir reste pourtant la protection des manifestants.

« On nous aime quand on se fait tuer et on nous déteste quand on verbalise, et qu’on réprime en manifestation », ironise Luc Escoda, Secrétaire régional du syndicat Alliance police nationale pour l’Occitanie. Syndicaliste depuis plus de quinze ans, le policier déplore la violence qui augmente dans les manifestations, et particulièrement celles des Gilets jaunes : « Même en 1968 ce n’était pas aussi violent. Dès le premier acte, il y a eu de la violence ». Et depuis treize samedis consécutifs, c’est la même histoire : heurts, incidents et affrontements sont systématiques. Les corps sont épuisés et le manque de repos commence à peser.

Les casseurs dans le viseur des policiers

Tous les syndicats pointent du doigt les violences des « casseurs ». Yves Lefebvre, Secrétaire général du syndicat SGP Police confiait à France info : « On casse du flic et on n’hésite pas parce qu’on sait qu’on n’aura pas de sanction à la hauteur des actes criminels commis ». Christophe Amans, délégué Unité SGP Police 31, a également dénoncé : « Ces voyous savent pertinemment qu’ils ne risquent pas grand-chose ! ». Le problème ? Des groupes structurés qui se fondent dans la manifestation. Luc Escoda précise : « Ce sont des gars organisés, on l’a vu sur l’Etoile aux Champs Elysées. Ils s’entraînent avec le mobilier urbain pour faire des outils de défense, des boucliers avec les panneaux de signalisation. Le lacrymogène ne leur fait plus rien ».

Une répression plus forte en réponse aux casses

Face à ces groupes organisés, les stratégies pour le maintien de l’ordre évoluent afin d’éviter que les manifestations ne dérapent. Cela s’explique notamment par un manque de moyens matériels et financiers des forces de l’ordre : « On manque de casques, de genouillères, de protections ». Les techniques d’intervention sont donc plus sévères : « Maintenant, dès qu’il y a des attroupements, on disperse ». Et c’est ce qui est en partie dénoncé comme une attaque aux libertés fondamentales. Le fait d’être limité dans son droit de manifester et l’utilisation excessive d’armes de défense.

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Barrage de compagnies mobiles. Photo : Zoé Daval

À ceux qui dénoncent les violences policières, Luc Escoda répond : « Les observateurs au lieu de se mettre à l’extérieur n’ont qu’à venir avec nous dans les rangs. On ne vise pas la tête au départ. On est en train de courir, de se prendre des pavés, des marteaux, des bonbonnes d’acide, le type il bouge en face. On ne se réveille pas le matin en se disant on va frapper un Gilet jaune, un citoyen ». L’usage d’arme est justifié uniquement sur sommation ou en cas de légitime défense. Il continue :

« Tous les jours il y a des manifestations à Toulouse. Le droit s’exerce. Ce n’est pas tous les jours qu’il y a usage de bombes lacrymogènes et de LBD. C’est toujours quand il y a des anarchistes qui mettent le bazar et commencent à casser que ça dérape ».

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Le syndicaliste reconnait que la gauche a toujours été présente à Toulouse, ce qui en fait, pour lui, une terre de contestation : « Les anarchistes, l’internationale gauchiste et l’extrême droite s’entendent. On a des anarchistes qui viennent de pays étrangers, des Espagnols, des Suisses ont été interpellés ». Il explique que les « dérapages » commis sur des manifestants lambdas sont dus à la difficulté de différencier les casseurs des manifestants : « Les manifestants sont les premières victimes des casseurs ». C’est notamment pour cela que le syndicat soutient la loi anti-casseurs :

« Pour nous c’est une bonne chose, ce n’est pas parce qu’on a le droit de manifester qu’on a le droit de tout casser. Quand on fouille les sacs à main dans un magasin on ne se pose pas de question mais quand on fouille pour rentrer dans les manifestations on se pose des questions. Parce que ce sont les policiers et parce que c’est une loi on va se plaindre », explique-t-il.

« S’il faut casser pour être entendu, c’est là qu’il y a un problème »

Au-delà des casses, le problème selon Luc Escoda vient du gouvernement. Il se pose la question de savoir si, aujourd’hui, manifester sans casser permet d’être entendu : « Si on a un pouvoir qui n’entend rien malgré le monde dans les rues et qu’il faut casser pour être entendu, c’est là qu’il y a un problème ». Il conclut : « Le problème quand on fait les manifestations, c’est qu’on ne fait pas le reste. Les problèmes de drogue ont repris de plus belle dans les quartiers. Il n’y a pas de repos pour nous ».