Au Palais de justice, à Paris, les témoins continuent à défiler. Et jeudi 19 octobre, après 15 jours d’audience, l’ex-chef de la DCRI, Bernard Squarcini s’est exprimé au prétoire. Ravivant les tensions et les doutes sur les renseignements français.

Le témoignage de policiers et membres des renseignements, dont beaucoup restent anonymes, est un enjeu depuis l’ouverture du procès Merah. En particulier l’intervention de Bernard Squarcini, qui avait été réclamée par Me Dupont-Moretti, avocat de la défense. En 2012, le « Squale » est à la tête de la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI), aujourd’hui devenue Direction Générale du Service Intérieur (DGSI), et son témoignage vise à le dédouaner de toute responsabilité dans les attentats d’il y a sept ans.

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« Je pense qu’il y a eu des retards dans le déroulement de l’enquête. Des ratés ? Je ne sais pas ». Voilà ce que répond Bernard Squarcini à ses détracteurs. Mohamed Merah était connu et suivi par les services de renseignements, en particulier après un voyage au Pakistan. À son retour, en novembre 2011, il est interrogé par des agents toulousains et parisiens. L’objectif aurait été d’en faire une source, un indicateur, comme le souligne Le Parisien.

Les tensions entre Toulouse et Paris

Bernard Squarcini affirme ne jamais avoir entendu parlé de cet interrogatoire. Et il a tenu à contrecarrer les mises en cause d’agents toulousains, comme « Hassan » (dont le prénom et la voix ont été modifiés à l’audience, son témoignage est relaté par Libération), chargé du suivi de Merah. « Hassan » rappelle qu’il avait tiré la sonnette d’alarme plus d’une fois. Au contraire, Bernard Squarcini revendique le mérite d’avoir réorienté l’enquête dans la bonne direction.

« Après la tuerie de Montauban  où je reprends le manche, car avant je ne connaissais pas le dossier, j’ai été l’un des premiers à tourner la piste de l’extrême droite » note Le Point dans le compte rendu d’audience.

Pour l’ex-chef des renseignements, ce serait le fait que les trois militaires tués à Montauban revenaient d’Afghanistan qui l’aurait mis sur la piste islamiste, avant que ne ressorte le nom de Merah. Thèse qui sera renforcée et confirmée après la tuerie de l’école juive Ozar-Hatorah.

Du « loup solitaire » au tueur « isolé »

C’est presque un exercice de linguistique auquel s’est livré par la suite ce témoin clef. Au moment des faits, en 2012, Bernard Squarcini qualifie Mohamed Merah de « loup solitaire ». Selon lui, cette fois-ci en 2017,

« L’expression du loup solitaire a été sortie de son contexte et je le regrette car cela n’est pas de mon fait. À l’origine, il s’agit d’une sémantique opérationnelle utilisée par les services du renseignement»

On passe donc à un vocabulaire axé sur un tueur « isolé » mais qui aurait été influencé par sa famille, surtout son frère, au centre du procès actuel. Si bien que Squarcini en vient à parler de « réseau » et même de « nébuleuse ».

Depuis ce vendredi 20 octobre, les audiences se recentrent à nouveau sur Abdelkader Merah, frère aîné de Mohamed. Les questions que relève Le Monde tournent essentiellement autour de son parcours religieux et de sa pratique rigoriste de l’Islam, qu’il n’a jamais nié. En revanche il se défend d’avoir été le mentor religieux de son frère.