L’histoire avait fait grand bruit. La rénovation de la place Saint-Sernin par l’équipe du maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, a commencé début janvier. Mais les fouilles archéologiques n’ont été faites que partiellement sur ce site multi-millénaire, attisant la crainte d’historiens toulousains et de riverains à propos du patrimoine.

Piétonisation, végétalisation… La place Saint-Sernin va faire peau neuve de 2017 à 2019. Un grand projet de la mairie, en collaboration avec Toulouse Métropole, vise à redorer l’image de ce site emblématique de la Ville rose. En ligne de mire, le label de l’UNESCO pour les chemins de Saint-Jacques de Compostelle : la basilique Saint-Sernin en est une des étapes et l’édifice a accueilli plus de 238 000 visiteurs en 2015. La rénovation de la place est une condition essentielle : l’état du bitume ou encore les 160 emplacements de stationnement ne participent pas à l’embellissement du lieu. L’urbaniste espagnol Joan Busquets a eu la charge du projet, et il a vu grand : d’ici à 2019, la place aura été entièrement pavée et une centaine d’arbres seront plantés. Un jardin public sera accessible à tous aux abords de la basilique afin de rendre l’endroit plus attrayant.

Un plan à 15 millions d’euros et des oppositions

Le projet à 15 millions d’euros est un des plus gros chantiers dans le centre-ville de Toulouse sous le mandat de Jean-Luc Moudenc. Mais en 2015, des sondages archéologiques réalisés par la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Toulouse avaient permis de découvrir de nombreux restes archéologiques à 30 centimètres en-dessous du sol. Leur présence à une si faible profondeur laisse deviner que de nouveaux vestiges encore inconnus se situent plus bas. Mais les travaux ont commencé, et les fouilles n’auront pas lieu. En effet, le projet actuel ne contient pas d’aménagements nécessitant de creuser au delà de 30 centimètres : pas besoin de fouilles préventives, puisque les vestiges ne seront pas mis au jour. Pierre Pisani, chef du service archéologie à Toulouse Métropole, le précisait le 17 janvier sur France 3 :

« Les vestiges archéologiques ne sont pas menacés par le projet ».

Il ajoute ensuite que les fouilles seront « différées », c’est-à-dire remises à plus tard… et donc que la place Saint-Sernin serait alors de nouveau en travaux. Ce report des fouilles s’explique par le coût. « Les fouilles archéologiques coûtent très cher et prennent du temps » confie Annette Laigneau, sixième adjointe de la mairie de Toulouse en charge de l’urbanisme.

Les contestataires se sont réunis autour du Collectif Sauvegarde de Saint-Sernin, créé en 2015. Historiens, professeurs toulousains mais aussi riverains se mobilisent depuis pour que le projet tienne davantage compte des vestiges. Ils proposent une plus grande concertation des nombreux acteurs (historiens, archéologues, service public…) afin de mettre vraiment en valeur l’édifice et la place. Les fouilles approfondies sont un point de discorde. Pour l’historienne toulousaine Quitterie Cazes, il manque l’essentiel, à savoir la mise en scène de la basilique dans son environnement médiéval. La topographie des lieux a été modifiée durant les siècles, et il n’est pas exclu que des aménagements datant de l’époque médiévale soient encore présents sous la place.

Un projet modifié suite aux négociations

La mobilisation du collectif a permis la modification du projet dans un sens plus respectueux. La mairie de Toulouse a mis de l’eau dans son vin : la basilique sera mise en valeur, des matériaux réversibles seront prévus dans la mesure du possible afin de faciliter les fouilles futures, les places de parking seront supprimées… De nombreuses concessions qu’apprécient les membres du Collectif Sauvegarde de Saint-Sernin, mais qu’ils jugent encore trop peu nombreuses. Un projet de musée a aussi été proposé afin de mettre en avant les collections entreposées dans les combles de la basilique. Les négociations ne sont pas arrêtées, toutefois le collectif espère que la mairie prendra en compte leurs autres demandes. Mais la mairie de Toulouse ne ferme pas la porte à des prochaines fouilles. Dans cinq ou dix ans, les archéologues réinvestiront peut-être la place Saint-Sernin afin d’exhumer les vestiges des générations précédentes.