Jusqu’au 23 février, la cinémathèque de Toulouse propose une rétrospective de l’œuvre de Rainer Werner Fassbinder, réalisateur emblématique du nouveau cinéma allemand. Son égérie Hanna Schygulla – qui a collaboré avec lui plus d’un quinzaine de fois – a donné une conférence exceptionnelle le 12 février dernier. L’occasion pour l’actrice de soixante-douze ans de revenir sur son travail avec Fassbinder, entre deux confessions croustillantes.

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Il y a vingt ans déjà, Hanna Schygulla était invitée à la cinémathèque de Toulouse. Pour des raisons personnelles cependant, elle n’avait pas pu faire le déplacement. La muse de Fassbinder s’est définitivement rattrapée le 12 février, en venant donner une conférence de deux heures devant une salle comble. La clinquante septuagénaire n’a rien perdu de sa superbe, et elle semble prendre un malin plaisir à dépeindre les petits travers des cinéastes avec qui elle a travaillé – Fassbinder bien sûr, mais aussi Jean-Luc Godard, Marco Ferreri ou Wim Wenders.

« Notre génération post-Hitler voulait à tout prix être anti »

Hanna Schygulla n’était pourtant pas destinée à faire du cinéma : « je ne savais pas que j’y aspirais », dit-elle, rêveuse. Alors qu’elle finissait ses études, elle a commencé à prendre des cours de théâtre, dans la même salle que le jeune Rainer Werner Fassbinder. Ce dernier, très timide, ne pouvait détacher son regard de la blonde, et a, dans un premier temps, envoyé un ami lui parler pour engager la conversation. Très vite, ils formeront ensemble une troupe d’anti-théâtre – un théâtre de l’absurde en rupture totale avec les genres classiques – « ce qu’on aurait pu appeler du mauvais goût », affirme Hanna Schygulla, avant d’ajouter que leur « génération post-Hitler voulait à tout prix être anti ».

Lors de son premier tournage, Fassbinder, n’était « pas encore un réalisateur au sens propre », selon la comédienne. Son cinéma était plus proche du théâtre – duquel il n’arrivait pas réellement à se détacher – avec des scènes très courtes. Ce n’est que bien plus tard que Fassbinder a réussi à trouver sa patte, en « faisant deviner ce qu’il voulait par des caresses ou par des gifles ». À propos de sa relation si particulière avec le cinéaste, l’actrice reste discrète : « peut-être qu’on ferait mieux de ne pas l’expliquer », assène-t-elle d’un air taquin.

« Jean-Luc Godard se comportait comme une femme enceinte »

Parmi les réalisateurs qui sont tombés sous le charme de la belle Allemande, on compte les plus grands. Il y a Völker Schlöndorff, tout d’abord, qui a procédé selon elle à une véritable « restauration de l’histoire » en la faisant jouer dans Le Faussaire en 1981. Il était pour elle « un Napoléon à la conquête de la réalité », « le contraire de Fassbinder ». Quand elle évoque Wim Wenders, en revanche, elle dépeint quelqu’un d’introverti, tout comme elle, si bien qu’entre eux, « ça ne donnait pas grand chose », s’amuse-t-elle.

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Les metteurs en scène sont pour Hanna Schygulla les personnes les plus sensibles qui soient. Marco Ferreri est sûrement celui qui l’a le plus touchée : « avec lui, j’ai eu l’impression que j’étais vraiment une muse ». Jean-Luc Godard, quant à lui, « se comportait comme une femme enceinte » (sic), et « ne pouvait pas se sentir bien sans faire tout le monde se sentir mal ». Malgré les déconvenues qu’elle a pu connaître, l’actrice n’a pas perdu de son sens de l’humour et de sa répartie. C’est seulement quand on évoque la mort de son mentor et ami Fassbinder, en 1982, que celle-ci se fait silencieuse. « Il tournait trois fois plus vite que les autres, et il est mort trois fois plus vite que les autres », dit-elle gravement avant que la conférence se termine.

Toutes les infos sur la rétrospective Fassbinder sont disponibles sur le site officiel de la cinémathèque de Toulouse.