Suite à l’attaque qu’a subi Kedidja, une toulousaine voilée et enceinte, le 24 mars à Toulouse, un rassemblement contre l’islamophobie s’est tenu place du Capitole, le mardi 31 mars à 18h.

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Il est 18h, place du Capitole à Toulouse. Il n’y a pas foule, mais les premiers manifestants sont sur place. Quelques rires nerveux apparaissent : « Il est 18h, les gens sortent du boulot ». Quelques blagues timides, aussi : « Il n’y a pas de CRS ! C’est normal ? », ou bien, « si mon mari me voit tenir une pancarte avec un homme, il me tue, là ! ». Progressivement, quelques dizaines de personnes arrivent. La raison pour laquelle ces manifestants se sont rassemblés est bien sérieuse.

Enceinte de huit mois, Kedidja, âgée d’une trentaine d’années, a été agressée par deux hommes mardi 24 mars dans le quartier de la Roseraie, au nord-est de Toulouse. Après avoir été agrippée par les cheveux et projetée au sol, elle aurait été frappée plusieurs fois. Elle est aujourd’hui hospitalisée.

De nombreux élus locaux ainsi que des membres du gouvernement, comme le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve et le premier ministre Manuel Valls, ont condamné l’aggression de Kedidja. « Ce n’est pas seulement du racisme dont a été victime Kedidja, c’est de l’islamophobie. On l’a frappée avant de lui arracher son voile ! », ont accusé des parents d’élèves de l’établissement où sont scolarisés les enfants de Kedidja.

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Plusieurs associations et partis politiques, dont le Nouveau Parti Anticapitaliste, la Ligue des Droits de l’Homme et le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) se sont rassemblées pour dénoncer les actes islamophobes. Le but : appeler à la responsabilité individuelle des citoyens français, quelque soit leur origine ou leur religion.

**“La laïcité est instrumentalisée”

L’Union Antiraciste et et Populaire (UAP) été créée le 5 février 2015 en réaction à la période qui a suivi les attentats du 7 et du 9 janvier, qui a vu une hausse exponentielle des actes islamophobes partout en France. L’UAP mène des actions à Toulouse contre l’islamophobie et particulièrement contre ce qu’une représentante de l’UAP a appelé l’islamophobie d’Etat.

Au-delà du soutien à Kedidja, les manifestants ont évoqué les victimes invisibles de l’islamophobie. Elles seraient victimes d’une « politique de racisme institutionnel mis en place depuis de nombreuses années, illustrée par la loi de 2004 sur le voile et celle de 2010 sur la neutralité de l’espace public », selon cette représentante de l’UAP qui dénonçait l’instrumentalisation de la laïcité.

**Une islamophobie institutionnelle

Des témoignages de victimes d’islamophobie ont été lus au mégaphone par les représentants des divers collectifs présents, devant une foule attentive et solennelle.

« J’ai 11 ans et je sais déjà qu’on ne m’aime pas. Ce qu’on me reproche, c’est de porter une tunique religieuse, ce qui est impensable ». Cette jeune collégienne, qui a retiré son voile avant d’aller en cours, a été forcée par le personnel de l’établissement de se déshabiller, alors qu’elle ne portait qu’une brassière sous sa tunique. Cette intervention, reconnue après coup comme abusive par le personnel, ne pouvait qu’être vécue comme une humiliation.

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Un autre témoignage suit. Un jeune musulman de 26 ans passait un entretien pour un CAP destiné aux demandeurs d’emploi. Durant l’entretien, l’évacuatrice aurait porté une trop grande attention à la barbe du jeune homme, en lui demandant s’il serait prêt à la raccourcir où à la tailler pour accéder à la formation, sous prétexte que son apparence le gênerait pour trouver un stage et se présenter à la clientèle.

Selon le rapport annuel du CCIF paru le 11 février 2015, 77% des actes islamophobes sont des discriminations, et 71% de ces discriminations surviennent au sein d’institutions. Avec ces chiffres, le CCIF souhaite illustrer un « phénomène structurel », le « racisme institutionnel ».

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