Reconnues d’utilité publique, les structures socio-médicales toulousaines peinent à survivre face au manque de subventions des pouvoirs publics. Illustration avec deux acteurs emblématiques du secteur : le Planning Familial et la Case de Santé.

Place du Capitole, manifestation de soutien au Planning Familial le 17 janvier 2015

« On a gagné ! » La remarque est saluée par une salve d’applaudissement dans la salle commune de la Case de Santé. Samedi 24 janvier, après plusieurs mois de bataille, les sympathisants du centre de santé d’Arnaud Bernard savourent une petite victoire : le 22 décembre, l’Agence régionale de santé (ARS) a annoncé le versement des 40 000 euros manquants pour assurer le fonctionnement du lieu en 2015. Au mur, les photos des actions menées pendant quatre mois devant le centre et devant l’ARS, témoins de l’engagement des travailleurs, des usagers mais aussi des riverains.

Case de Santé, une sortie de crise provisoire

La Case de Santé a ouvert ses portes en 2006. Nichée au cœur du quartier Arnaud Bernard, entre une boucherie hallal et un bar de nuit, médecins, infirmiers et travailleurs sociaux proposent aux usagers des soins, mais aussi une aide sociale. Le concept, unique en France, a fait ses preuves. « Entre 2011 et 2014, nous sommes passés de 850 à 1400 usagers », explique Fabien Maguin, coordinateur administratif. « C’est donc qu’il y a quelque part un besoin de santé qui n’est pas satisfait. » Retraités, immigrés sans papiers ou encore étudiants fréquentent le centre de santé, pour des raisons financières mais pas seulement. « A la Case de santé, j’ai trouvé une écoute que je n’avais encore jamais eu ailleurs. C’est pour ça que j’ai choisi d’y amener mon enfant », témoigne une usagère. Fabien Maguin confirme : « Nous nous engageons aussi pour promouvoir un modèle de santé alternatif ».

Peu onéreuse – la structure a besoin de 500 000 euros par an pour fonctionner – et reconnue par les autorités publiques, la Case de Santé a pourtant toujours connu des difficultés financières. En novembre, confrontée à un déficit chronique, elle décide de fermer ses portes. Un rapport de force s’engage alors avec l’ARS. Si l’agence a fini par débloquer des fonds, l’avenir du centre n’est pas encore pérennisé. Pour Fabien Maguin, « le problème de la Case de Santé, c’est qu’elle n’a pas de statut défini. C’est une structure originale, à cheval sur le champ de la santé et celui du social. Les différents partenaires se renvoient donc les responsabilités et les financements ».

Pronostic vital engagé pour le Planning Familial

Alors que la Case de Santé semble tirée d’affaire, le Planning Familial connaît lui aussi de graves difficultés et son pronostic vital est engagé. C’est un coup dur pour l’institution historique : son centre toulousain (le seul pour toute la Haute-Garonne), en liquidation judiciaire, doit fermer ses portes le mois prochain. Situé dans une petite rue à l’abri des regards, derrière la médiathèque José Cabanis, la structure accueillait chaque année 1400 femmes en situation de détresse. C’est ainsi que cet étendard du droit des femmes, créé à la fin des années 70 et attaché à la lutte pour la contraception et l’avortement, se brise dans l’indifférence générale.

Les trois assistantes sociales de la rue Moiroud, épaulées par une vingtaine de bénévoles, conseillent des femmes, souvent jeunes, sur des sujets intimes, généralement tabous au sein du cercle familial. Au Planning de Toulouse, on obtient en toute discrétion des informations sur la marche à suivre pour avorter, on trouve une oreille attentive et des conseils avisés sur tout autre sujet d’ordre sexuel ou sentimental. Carole Pebay, salariée du centre toulousain, insiste sur la multiplicité des actions menées par l’équipe ces dernières années : « On l’oublie souvent mais on était aussi un interlocuteur privilégié des victimes de viol. Et puis, il n’y a pas que les permanences. Il y a aussi les campagnes d’éducation sexuelle menées dans les établissements scolaires et médicaux. On sensibilisait 4000 personnes chaque année ».

Mais le Planning Familial toulousain, comme la Case de Santé, souffre depuis deux années d’une plaie budgétaire impossible à panser. Un procès perdu aux prud’hommes, laissé en héritage par l’ancienne équipe, a ouvert une brèche. A cela s’est ajouté un manque de subventions, dont les dossiers de demandes doivent être montés chaque année.

Pour survivre le planning a déjà ralenti son activité. Les salariées, en sous effectif, ne répondent plus aux appels téléphoniques et ont diminué leurs permanences. Une réduction d’activité nécessaire mais difficile à faire passer pour Carole Pebay : « Imaginez la violence pour une femme, avec une grossesse non désirée, qu’on n’a pas le temps d’aider et qui, sur internet, va tomber sur des sites contre l’avortement ». Un goût amer dans la bouche, la jeune femme relève les incohérences de financement : « Pour Toulouse, quatrième ville de France, nous avions 120 000 euros de subventions par an. C’est peu par rapport au Planning Familial de Marseille qui obtient plus d’un million d’euros chaque année. Un million qui leur permet d’embaucher 22 salariés. Même Montauban, qui est une ville nettement moins peuplée que Toulouse, a deux salariés de plus que nous ».

Un problème structurel ?

Confrontées à ces questions de subventions, les deux centres soulèvent un problème structurel : le système global du marché d’appel d’offre serait incompatible avec ce type d’activité. « Les appels à projet ne prennent pas en compte les coûts irréductibles de fonctionnement de la structure », explique Carole Pebay, « On mène des actions sans savoir par avance si elles vont être financées. Cela conduit très facilement au déficit budgétaire ».

Malgré le désintérêt apparent des pouvoirs publics, les deux associations ne baissent pas les bras. Le Planning Familial espère encore un sursaut citoyen : elle tente de mobiliser par une pétition en ligne et mène des réunions d’information. De son côté, la Case de santé maintient son rapport de force avec l’ARS et tente de conclure un « contrat d’objectifs et de moyens ».

Garance Bailly et Sarah Jourdren

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