foto-2.jpg Le 9 novembre 2014, les Catalans d’Espagne pourront décider de leur avenir. Par le truchement d’un référendum à double question considéré illégal par le gouvernement espagnol – « Voulez-vous que la Catalogne soit un Etat ? Si oui, voulez-vous que cet Etat soit indépendant ? » -, le peuple catalan aura l’occasion d’envoyer un signal fort à Madrid. Pour donner du crédit à leur entreprise, les pro-indépendance comptent sur l’appui de la France.

La conférence-débat du 31 janvier dernier (« Loi au service des peuples : le droit de décider de la Catalogne ») autour de l’affirmation de l’identité catalane et organisée à Sciences Po Toulouse a reçu un accueil mitigé. Une centaine d’étudiants était venue assister aux débats sur les bancs de l’amphi Bodin. Mis en place par le Conseil de Diplomatie Publique de Catalogne et Sciences Po Toulouse, l’événement pouvait compter sur des intervenants issus des deux côtés des Pyrénées. Pendant quatre heures, ils se sont succédés pour tenter d’éclaircir la question catalane en mêlant les angles politique, historique, juridique ou économique.

La France, un allié de choix ?

« La France a de gros intérêts en Catalogne, qui ne peuvent que se renforcer avec une Catalogne indépendante.»Cette phrase issue du discours de clôture, prononcée dans un français parfait par Maryse Olivé Quintana, déléguée du Gouvernement de la Catalogne (la Generalitat) en France, est équivoque : les autorités politiques catalanes, partisanes de l’indépendance, ont besoin de soutiens internationaux. Partageant des relations privilégiées et une même frontière, la France est un allié de choix. On ne s’étonnera donc pas que cette conférence-débat soit la deuxième du genre dans l’Hexagone, après un événement similaire organisé à Sciences Po Paris.

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Dès les premières prises de parole, après une brève introduction du directeur de Sciences Po Toulouse Philippe Raimbault et du secrétaire général du Conseil de Diplomatie Publique de Catalogne, Albert Royo, le ton était donné : Francesc Homs, ministre de la Présidence du Gouvernement de la Catalogne, soulignait la nécessité d’expliquer ce processus à l’étranger. Miguel, 22 ans, étudiant à l’Université Pompeu Fabra de Barcelone, nous avoue partager cet avis:
« Nous avons besoin de l’aide des autres pays européens pour faire pression sur le gouvernement espagnol qui dit « non » à toute proposition.»

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Dans un passionnant exposé historique, le professeur d’histoire contemporaine Joan B. Culla, de l’Université Autonome de Barcelone, expliqua la construction et la montée du « catalanisme ». Plus tard, l’intervention de la journaliste catalane Montserrat Besses montrait que ce mouvement est né dans les rues de Catalogne et que la Generalitat n’a fait que « sauter dans le train en marche ». Des propos confirmés par Oriol, 26 ans, étudiant à l’Université Autonome de Barcelone et très impliqué dans le mouvement :
« C’est un processus qui a démarré dans la rue, par les citoyens, pour encourager le gouvernement à franchir le dernier pas vers l’indépendance. »

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En lisant entre les lignes, ces interventions venaient en fait légitimer le mouvement indépendantiste catalan. D’une part en prouvant son ancrage historique, d’autre part en montrant son essence citoyenne.

Une approche plus objective du problème

« La conférence a laissé la place à la fin au débat alors qu’au départ, j’avais un peu l’impression d’assister à un plaidoyer pro-catalan» nous avoue Mathilde, élève en 4ème année à Sciences Po Toulouse. A la fin de la conférence, Philippe Raimbault reconnaissait cette démarche de communication de la part des intervenants catalans.
C’est pour cette raison que les intervenants français ont apporté un regard différent et nuancé les premiers propos tenus. Notamment Mme Valérie Larrosa, maître de conférence de droit à Sciences Po Toulouse, qui n’a pas manqué de remarquer que l’argumentaire catalan durant la conférence reposait sur des termes à consonance juridiques (la «loi au service des peuples», le «droit de décider», le «statut de nation», la «primauté» demandée du catalan, un «Etat multinational» aux «identités plurielles»…) pour légitimer l’ambition du référendum.
En effet, ces justifications semblent nécessaires face à l’incompréhension dans le reste de l’Espagne. Sandra, 23 ans, étudiante originaire de Alicante (non catalane)à l’Université Autonome de Barcelone nous raconte : « Ailleurs, les gens ne veulent pas entendre parler de ce référendum. La Catalogne veut l’indépendance alors qu’en Espagne on se demande «Mais que font-ils ?»
Par ailleurs, un autre problème se pose. Jean-Bernard Auby, professeur des Universités à Sciences Po Paris, relève les difficultés qui peuvent se poser pour que la Catalogne reste dans l’Union Européenne une fois indépendante:
«Les citoyens catalans sont déjà des citoyens européens, la Catalogne ne peut donc être soumise à un processus d’adhésion classique. Ne peut-on imaginer une reconnaissance d’Etat mais pas au même titre que les autres Etats membres, un statut intermédiaire?».
Cette situation inédite, jamais envisagée auparavant explique en partie l’inquiétude et l’incertitude des observateurs face aux revendications catalanes. Une chose est sûre, ce débat ne se clôturera pas avec le référendum du 9 novembre 2014.