Un sondage réalisé par Ifop montre que 82% des Français sont opposés au droit de vote des 16-18 ans pour les élections locales. Pourquoi une telle fronde face à ce projet ? « Univers-Cités » vous propose d’étudier les arguments principaux des deux côtés.
Pour les défenseurs du projet de loi, autoriser les jeunes à voter dès 16 ans serait une manière de les sensibiliser plus tôt à la conscience politique. Le taux d’abstention lors des élections étant particulièrement élevé chez les jeunes, une éducation politique plus précoce ne peut être que bénéfique. Pour beaucoup de jeunes, la période du lycée est celle de la prise de position politique qui se joint à une frustration de ne pas pouvoir y participer.
Une «période de transition »
Pour Béatrice Copper-Royer, psychologue spécialiste de l’adolescence, ouvrir la pré-majorité à 16 ans permet une « période de transition » pour préparer les jeunes à l’âge adulte sans les y précipiter. Ce serait une manière de les responsabiliser en vue des décisions importantes qu’ils auront à prendre par la suite. De plus, un adolescent impliqué dans la vie politique aura plus d’occasion de favoriser un dialogue intergénérationnel avec ses parents autour de ces questions.
Enfin, un argument qui revient souvent est celui du contraste entre ce qu’on demande à l’adolescent et ce qu’on lui donne le droit de faire. En effet, les lycéens sont concernés par ces questions en cours d’éducation civique. « Pour réfléchir à ses droits, il faut en avoir un minimum », précise Béatrice Copper-Royer. Les jeunes peuvent être considérés comme majeurs pénalement dès 16 ans dans certains cas, ce qui prouve que la société leur accorde une certaine maturité. Ce qui pourrait donc logiquement se traduire par le droit de vote.
Une « atteinte de l’Etat contre la parentalité »
Du côté des opposants, on entend souvent parler d’une manipulation gouvernementale visant à récupérer des voix à gauche, pour qui les jeunes votent massivement. Mais au-delà de ces considérations qui -on s’en doute- échaufferont les débats à l’Assemblée, on trouve d’autres arguments plus concrets.
Le principal angle d’attaque des opposants est celui de la maturité. Le développement de l’adolescent n’est pas terminé à 16 ans et les pousser dans ce sens serait une erreur. Leur donner le droit de vote serait alors contre-productif car ils ne seraient pas capables d’assumer ces nouvelles responsabilités.
Pour Stéphane Clerget, pédopsychiatre, ce projet de réforme est aussi un « coup dur porté à la parentalité » car donner de nouveaux droits aux jeunes tend à diminuer l’autorité parentale. Les parents seraient alors « impuissants face à leurs enfants qui prendraient plus de risques ». A 16 ans, selon lui, c’est aux parents de s’occuper de l’éducation politique de leurs enfants, pas à l’Etat. C’est un âge de transition où l’on prépare déjà l’enfant à passer à l’âge adulte et ce n’est pas en lui donnant de nouveaux droits que l’on facilite la tâche.
Ce débat ne fait que commencer et le gouvernement préfère rester prudent sur la question. « Le temps de la décision n’est pas venu », a précisé Dominique Bertinotti, ministre de la Famille. Mais quand on voit l’ampleur de la mobilisation contre cette réforme, y compris de la part des jeunes concernés, il y a peu de chances que le statut de pré-majorité dépasse le stade du projet.