Opacité des informations, méthodes de vente rudes, gestion financière calamiteuse, délais de remboursement important… Les mutuelles étudiantes sont les grandes malades de la Sécurité sociale. Avec près de 70 % des étudiants sous contrat, l’UFC-Que Choisir a décidé de tirer la sonnette d’alarme et propose la remise à plat du système. Décryptage.

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L’assurance maladie va mal. Très mal même. Selon un récent sondage Ipsos, près de deux Français sur trois considèrent la santé comme un bien de luxe et regardent à deux fois avant de franchir la porte d’un cabinet de consultation. Traduction : sous peine de voir l’une des particularités françaises se désagréger, il est plus qu’urgent de réformer l’édifice Sécurité sociale comme en appellent de leurs vœux les professionnels du secteur.

Réformer donc. Et côté étudiant, il y a de quoi faire. Sont principalement visées : les mutuelles. Même si contrairement à l’affiliation à la Sécurité sociale la souscription à une mutuelle reste non obligatoire, 70 % de ceux qui suivent des études supérieures franchissent le pas. Un engouement qui cache certaines disparités puisque d’après une étude pour 20 Minutes, un étudiant sur cinq ne peut prétendre à une mutuelle faute de moyens. Pire, 34 % de ces grands écoliers ont déjà renoncé à la consultation de professionnels de santé au cours de l’année, et un sur cinq au suivi de traitement.

Réintégrer l’assurance maladie

C’est dans ce contexte marqué notamment par une politique d’économie massive que l’association UFC-Que Choisir a produit un rapport sur les mutuelles étudiantes. Que préconise-t-il ? Ni plus ni moins qu’« une remise à plat complète avec gestion directe par l’assurance maladie » de ces structures jugées superficielles à la « valeur ajoutée toute relative ». Néanmoins, consciente du poids politique de l’Unef – association étudiante prépondérante à la direction des mutuelles – qui défend à l’inverse coûte que coûte le statu-quo, l’UFC-Que Choisir propose une feuille de route pour éviter le bras de fer : consolider économiquement à la fois les mutuelles régionales en les rapprochant des groupes mutualistes, et la LMDE via une mise sous tutelle auprès de la Mutuelle générale de l’Education nationale avant de leur soustraire la gestion du régime obligatoire.

Mais pour en arriver à ces conclusions, un état des lieux s’impose. Flash-back. Au lendemain de la guerre, suivant les prescriptions du Conseil nationale de la Résistance, l’assurance maladie est mise sur pied. L’État-providence à la française prend son envol. Seulement, selon ses statuts, les étudiants sont exclus du système de couverture maladie, une carence à laquelle va remédier l’Unef deux ans plus tard à travers la création de la Mutuelle nationale des étudiants de France (Mnef). Le principe : un système d’adhésion annuel couvre une partie des frais de fonctionnement et de remboursement, ce à quoi s’ajoute « une remise de gestion » (transfert financier, ndlr) de l’État en échange d’une mission de service public. Autrement dit, les étudiants gèrent eux-mêmes leur régime de sécurité sociale.

Soixante ans plus tard, la donne a changé. Entre la massification estudiantine – le nombre d’étudiants est passé de 150 000 à 2,3 millions –, la dissolution de la Mnef pour mauvaise gestion, et la déperdition du système de santé français, les mutuelles ont dû évoluer pour trouver leur place sur le marché de l’assurance et sont confrontées à de nouveaux défis. Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de onze sociétés mutualistes qui se partagent le gâteau du risque étudiant. À la LMDE, qui a remplacé la feue Mnef et compte près de 920 000 affiliés, suivent désormais dix structures mutualistes régionales. Pas facile dans ces conditions de s’y retrouver pour l’étudiant lambda peu habitué à la novlangue de ces experts.

Rationalisation à outrance

Ce manque de visibilité sur le marché constitue l’un des ressorts principaux des agents mutualistes pour recruter leurs nouveaux adhérents comme le pointe l’enquête de l’UFC-Que Choisir. Et peu importe si pour ce faire, un petit mensonge est nécessaire. Souvent totalement étrangers à la législation en vigueur, nombreux sont les étudiants à prendre pour parole d’évangile ce que leur récitent les petites mains des agences mutualistes. Conséquence, ils souscrivent à des complémentaires santé gadget alors même qu’elles ne revêtent aucun caractère obligatoire.

Autre dysfonctionnement de taille relevé par l’association : le suivi des dossiers. Et de prendre en exemple la phase d’affiliation. Entre juillet et octobre 2011, sur les 529 000 transferts procédés par la Caisse nationale d’assurance maladie vers les mutuelles, un tiers n’était toujours pas entériné à la fin de l’année… Conséquence logique d’un système d’inscription aux mutuelles qui passe bien souvent par l’échelon universitaire.

Au rayon dysfonctionnement toujours, l’UFC-Que Choisir montre que la relation client s’est tendue au fur et à mesure que le nombre d’affiliés a grossi sans que cela soit compensé par une augmentation des effectifs. Ainsi, si dans certaines structures régionalistes le point de rupture est encore loin, dans d’autres, la situation est alarmante. Preuve de cet effritement du service proposé, les prestations offertes par Vittali. Après une petite enquête menée par les services de l’association de consommateurs, il s’avère qu’un appel sur trois ne trouve pas preneur. De là à imaginer la qualité du service in situ…

Réticence politique, gaspillage économique

Ces travers, la LMDE en est riche. Ici, ce sont près d’un appel sur deux qui n’aboutit pas, des heures de queue aux guichets qui attendent les adhérents, des renseignements a minima. La direction assure qu’une fois passé le processus de réorganisation massif interne engagé tout rentrera dans l’ordre. Mais tout le monde n’est pas du même avis, comme en témoignent les propos rapportés dans l’enquête d’un ancien dirigeant d’une antenne de la LMDE : « Cette mutuelle a trop de cadres au sommet et pas assez de petites mains pour faire le travail administratif. Et ces cadres, qui plus est, sont souvent choisis sur des critères politiques.[…] Ils apportent un relationnel politique, mais techniquement et commercialement, ils ne sont pas à la hauteur. À un moment, on le paye. »

Enfin et de façon plus générale, c’est la gestion financière de ces mutualistes qui pose problème. En novembre 2011, le directeur général de la CNAMTS, Frédéric Van Roekeghem disait : « Ce système me semble devoir être revu, car il est sous tension financière très forte. » Une situation économique tendue renforcée dernièrement par le doublement de la taxe sur les contrats santé solidaires et responsables décidé par le précédent gouvernement.

Toutefois, le ministre de l’Enseignement supérieur de l’époque, Laurent Wauquiez, avait pris soin de faire signer un accord cadre visant à porter à 52 euros par étudiant et par an les remises de gestion versées par l’État aux mutuelles. À titre de comparaison, ces mêmes remises sont de 46 euros pour les fonctionnaires, pourtant plus disposés à aller se faire soigner, du fait de leur âge avant tout. De quoi apporter un peu plus d’eau au moulin de l’UFC-Que Choisir et de ses préconisations.