La maladie, la déchéance et la fin de vie d’un être aimé, sont les thèmes abordés par Michael Haneke dans son film « Amour ». Le réalisateur autrichien a obtenu une deuxième Palme d’Or au Festival de Cannes après avoir été récompensé pour « Le ruban blanc » en 2009. Sans musique ni artifice, « Amour », actuellement en salle, confronte les spectateurs aux difficultés liées à la fin de la vie, ponctuées par l’amour, le vrai et l’intense.

Amour_affiche.jpg

L’histoire débute avec un couple d’octogénaires, Georges et Anne, qui assiste à un concert de musique classique d’un pianiste reconnu au théâtre des Champs-Élysées. Professeurs de musique à la retraite, ce sont des gens cultivés. Leur fille, également musicienne, vit à l’étranger avec sa famille. Après le concert, le couple rentre dans son appartement. La caméra de Michael Haneke n’en sortira plus.

Anne, incarnée par Emmanuelle Riva, est victime d’une attaque cérébrale. À son retour de l’hôpital, elle est paralysée du côté droit. Georges, interprété par Jean-Louis Trintignant, va alors s’occuper de sa femme avec amour mais le couple va devoir faire face à une rude épreuve, la pire et la dernière de leur vie.

Un jeu théâtral

Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva ont pour seul décor un appartement haussmannien. Ce qui interpelle, dès le début du film, c’est leur style de jeu. Sans musique ni artifice, seuls les dialogues et les expressions des deux personnages permettent de comprendre le lien fort qui unit le couple depuis plusieurs années. Ils se connaissent par cœur et ont vécu toute une vie ensemble.

Le jeu des acteurs et la mise en scène nous rapprochent davantage du théâtre que du cinéma. Toute l’histoire se déroule en huit-clos. On imagine parfaitement les deux acteurs évoluant sur la scène du théâtre des Champs-Élysées. Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva ont été largement associés à la Palme d’Or par le jury du Festival de Cannes. Et pour cause, leur prestation est tout simplement fabuleuse. Les dialogues sont courts mais, même en peu de mots, ils ont réussi à attirer les spectateurs dans le drame de leur personnage.

L’émotion est intense et leur jeu d’acteurs y est pour beaucoup. En effet, aucune musique n’est là pour accentuer le drame ou pour faire pleurer les spectateurs. Seuls les regards, les silences et les expressions font monter les larmes aux yeux. Le jeu des deux acteurs est avant tout humain et n’a rien de superficiel.

amour_Cannes.jpg

Lent, certes, mais un peu trop !

Pour faire entrer les spectateurs dans l’univers des deux octogénaires, Michael Haneke a choisi un scénario lent. Le film dure en effet plus de deux heures. Le scénario met du temps à démarrer et c’est bien dommage. Le réalisateur a voulu mettre en avant la longue dégénérescence du corps, les difficultés à y faire face au quotidien et la souffrance des deux personnages qui s’accentue au fil du temps. C’est également son style, en tant que réalisateur, de faire des films longs. « Le ruban blanc » dure presque deux heures et demie.

La temporalité est importante pour traiter ce genre de sujet mais Michael Haneke a quand même eu la main un peu lourde. Ainsi, la première heure du film a beaucoup trop de longueurs. La compréhension des relations qui unissent les personnages se fait lentement. On met du temps à comprendre que le couple a une fille unique et qu’il ne la voit pas souvent car elle vit à l’étranger. Même chose avec le pianiste qui joue lors du concert au début du film. Quelle est sa relation exacte avec le couple ? Ce lien finit par s’établir mais il faut être patient.

Cette lenteur du scénario, renforcée par la mise en scène qui s’attarde longuement sur chaque personnage, est bien dommage car l’attention du spectateur a tendance à baisser. La première heure paraît longue et parfois ennuyante. Heureusement, lors de la deuxième heure, les évènements s’accélèrent et les spectateurs rentrent de nouveau dans le film. Le même film avec quelques longueurs en moins aurait eu le même impact.

amour_Trintignant_Riva.jpg

Un phénomène de société

Le vieillissement, la maladie, la prise en charge des personnes en fin de vie, chacun d’entre nous a été confronté, de près ou de loin, à ce genre de situation. Comment accepter la disparition d’un être cher ? Comment l’aider à partir en toute dignité ?

Le film de Michael Haneke traite d’un amour vrai et puissant qui permet de supporter des épreuves difficiles. Bien que le film soit un drame, il y a quelque chose de magnifique dans le fait que l’amour soit si fort. En regardant le film, on ne pleure pas seulement de tristesse. Le film est poignant. Un mari qui rassure, apaise et accompagne sa femme jusqu’à la fin. La véritable présence de la personne aimée au chevet d’une mourante, là où personne d’autre ne pourrait être. C’est ce qui touche dans ce film. Malgré la tristesse de la disparition, Anne ne part pas seule. Elle est accompagnée par son mari qui lui rend sa liberté au moment même où son corps l’emprisonne.

La question de la maltraitance des personnes âgées ou faibles physiquement est également abordée par le réalisateur. Un phénomène de société malheureusement bien réel qui interpelle le spectateur. Les personnes vulnérables n’ont aucun moyen de se défendre face aux pressions physiques et psychologiques.

« Amour » de Michael Haneke mérite bien sa Palme d’Or car c’est un film qui sensibilise tout en étant dans la retenue. Cette récompense est amplement méritée surtout pour les acteurs qui rendent le film humain et touchant. Prendre le temps d’aller le voir, c’est prendre le temps de se confronter à un phénomène de société qui touche de nombreuses familles. Le temps, une valeur précieuse qui caractérise « Amour » de Michael Haneke.