L’année 2011 a été particulièrement riche en sorties et en découvertes musicales. Retour sur une production fructueuse, fraîche et pleine d’émotions.

5 – King Creosote & John Hopkins – Diamond Mine

Diamond Mine, c’est l’histoire d’une rencontre entre Kenny Anderson (aka King Creosote) et Jon Hopkins. Une rencontre entre la folk d’un Ecossais écorché vif qui a déjà sorti près de quarante albums, et un Londonien internationalement connu pour ses arrangements (il a notamment travaillé avec Imogen Heap et le chorégraphe Wayne McGregor).

Ce disque est désarmant de délicatesse. Les instruments des deux artistes s’entrechoquent au ralenti, sans que l’un d’eux prenne jamais le pas sur les autres. Leurs identités ne se superposent pas, elles se conjuguent au profit d’un équilibre et d’une harmonie bouleversante. Chacun des morceaux est inscrit dans une continuité presque trop évidente, qui contribue à faire de ce disque une véritable oeuvre musicale cohérente. Diamond Mine est un choc, une parenthèse fine et émouvante, d’autant plus émouvante qu’elle ne le revendique pas. Un bijou sorti sur le label de Pavement et d’Eliott Smith.

4 – Who Are You – Breizh

Pas de doutes, la nouvelle-scène québécoise a de beaux jours devant elle. La musique de Who Are You voyage entre les berges d’une folk intimiste et celles d’un rock riche et puissant. De Firefly à Sleepwalkers, les Québécois disposent d’une palette qui s’étend de Muse à Patrick Watson, puisque ce sont les premiers auxquels on pense en écoutant le disque. La musique de Who Are You est à la fois épique et minimaliste, et toujours pleine de surprises. On ne s’attendrait pas à autant de contraste entre les morceaux et pourtant tout cela fonctionne sur une base pour le moins cohérente.

Sur scène, ils prennent un plaisir fou à jouer ensemble. Un plaisir qu’ils communiquent aisément à la salle. Ces types là sont honnêtes, et jouent comme ils sont. Ils s’écoutent et veillent à ce que chacun prenne sa place, c’est d’autant plus intéressant que leurs trois voix sont au rendez-vous d’harmonies millimétrées, qui sont des plus efficaces. On rit, on est pris à la gorge, on bouge avec eux sans hésiter. En fait, Who Are You, c’est tout ce que le Québec a de sympa quand on creuse un peu. C’est spontané, honnête, sans chercher à se sur-vendre, et une véritable envie de partager les rassemble. Ils prennent du plaisir et nous aussi.

3 – Bon Iver – Bon Iver

Justin Vernon et ses acolytes reviennent trois ans après le succès international de leur premier album For Emma, Forever Ago (2008). 2008, première année que l’on entendait le falsetto inimitable de l’Américain, cette voix de fausset qui, posé sur des guitares sèches, allait devenir leur signature.

De trois, ils sont maintenant neuf sur scène… leur travail semble donc bien plus exigeant en terme de volume sonore, de textures et de couleurs. Leurs références, si elles n’ont pas changé, ont clairement évolué. Bien moins larmoyant que For Emma, Forever Ago, cet album de Bon Iver rappelle le travail de Sufjan Stevens, qui, tel un explorateur, rend hommage musical aux endroits qu’il visite et aux gens qu’il rencontre.

C’est un disque frais, léger et riches des multiples identités de Justin Vernon. Il se décline sur une dizaine de pistes que l’on prend plaisir à écumer. Mention spéciale pour Minnesota, WI, et son lancinant « Never gonna break, never gonna break, never gonna break », pour la tempête magnifique sur le lac de Calgary, et pour l’euphorisante violence de Perth.

2 – M83 – Hurry Up, We’re Dreaming

Le Français Anthony Gonzalez, associé à Nicolas Fromageau, livre un double album électrisé et électrisant, rempli de morceaux festifs puis nostalgiques. Les boucles électro sont grisantes, et laissent souvent place à quelques accents eighties des plus efficaces.

Ainsi, on retrouve des solos de saxo absolument fabuleux et on-ne-peut-plus dansants. Un double album inoubliable tant il est parfaitement équilibré, entre la fête et l’introspection. On ne peut que saluer le travail de ce Français qui cartonne aux États-Unis depuis dix ans. Une date prévue en décembre à la Gaîté Lyrique (Paris) est déjà complète depuis près de deux mois. Les fans sont donc au rendez-vous.

1 – Alina Orlova – Mutabor

Vous avez forcément déjà lu son nom si vous êtes un(e) mélomane aguerri(e), au mieux vous l’avez déjà écoutée. Inutile donc de vous dire combien cette jeune musicienne lituanienne est sans aucun doute une des plus belles surprises de 2010/2011. Si son premier album se faisait déjà l’augure de très belles choses (on se souvient forcément de Lijo), Mutabor ne fait que confirmer l’exceptionnel talent d’Alina Orlova. Il y règne une spontanéité et une euphorie des plus plaisantes. Presque bestiale, sa voix bouscule, emporte, violente mais émeut aussi. Mutabor est très bien équilibré laissant place tantôt à des balades slaves endiablées, ou à des complaintes aussi belles que bouleversantes. Même si nos oreilles n’ont pas nécessairement accès au lituanien…