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Rencontre avec Mehran Tamadon, le réalisateur du film « Bassidji »projeté à Sciences Po le 1er février dernier. Par des images et des témoignages inédits, cet Iranien de souche nous invite à comprendre les rouages de la République Islamique d’Iran.

Au cœur de la République Islamique d’Iran. Voilà comment aurait pu s’intituler le deuxième film de Mehran Tamadon qui a préféré le brut et efficace Bassidji. Car ici, il est clairement question de l’actuel régime iranien. Celui qui a fait se révolter des centaines de milliers d’étudiants après les résultats contestés de l’élection présidentielle en juin 2009 ; celui qui a, le 21 décembre dernier, enfermé et condamné à six ans de détention son plus célèbre réalisateur contemporain Jafar Panahi ; ou encore celui qui, selon la Ligue des droits de l’homme iranienne, a exécuté une centaine personnes depuis le mois de décembre 2010.

Comment expliquer cette machine répressive inouïe condamnant à tout bout de champ des journalistes, des intellectuels et dernièrement une ressortissante irano-néerlandaise exécutée il y a quelques jours ? Une part de cette réponse est visible dans ce film de Mehran Tamadon qui s’est évertué au cours de longues interviews à faire parler des hommes défendant l’ordre et les valeurs de la République Islamiste d’Iran. Après la projection du film à Sciences Po Toulouse le mardi 1er février, nous sommes allés à la rencontre du réalisateur franco-iranien pour avoir plus de précisions quant à sa démarche intellectuelle.

Mehran Tamadon, réalisateur du film Bassidji

Univers-cités. Dans quel état d’esprit avez-vous entrepris le tournage de « Bassidji » ?

Mehran Tamadon. Mon idée était au départ de découvrir un milieu religieux, alors que je suis issu d’une sphère plutôt bourgeoise. J’avais déjà réalisé un premier film intitulé Mères de martyrs, diffusé pour la première fois en 2004. À l’époque je me suis surtout intéressé à ces mères dont les enfants ont trouvé la mort pendant la guerre qui a opposé l’Irak et l’Iran. En 2009, j’ai essayé de comprendre ce qui conduit certaines personnes à avoir foi en l’islam politique, et je dis bien l’islam politique.

Comment avez vous fait ?

Il est formellement impossible d’appréhender les motifs pour lesquels des gens défendent une idéologie sans entrer dans leur univers. C’est donc cet univers que j’ai essayé de percer, pour mieux comprendre. Le régime iranien a toujours suscité des discours propagandistes, que ce soit de la part de ses défenseurs ou bien de celle de ses détracteurs. Mon objectif était donc de dépasser ce type de réactions et de tenter de comprendre, en toute humilité.

Comment les personnages que vous avez mis en scène ont-ils accueilli votre film ?

Ils ont trouvé que le documentaire ne mettait pas vraiment en valeur leurs idées, mais je pense qu’ils m’ont trouvé juste dans ma démarche. Je ne les ai jamais trompés sur mes intentions. Lorsque je suis arrivé, je me suis présenté à eux, et mon projet avec. Ils savaient ce que j’étais venu faire en Iran, et ils savaient aussi que je ne partageais pas leur point de vue. Quoi qu’il en soit, mon souhait était de coller au plus près à la réalité.

Avez-vous été contraint d’adapter vos exigences en fonction des conditions de tournage ?

Pas sur le fond, mais sur la forme oui. Au début du tournage, je ne souhaitais pas intervenir autant dans le film. Mais j’ai très vite compris que si je ne provoquais pas le dialogue, que si je ne rentrais pas en discussion avec mes interlocuteurs, le sens du film m’échapperait. Alors même si ma démarche initiale était plutôt celle d’un anthropologue, j’ai dû l’adapter pour mener à bien mon projet.