La célèbre brasserie de la place du Capitole, Le Bibent, vient d’être rachetée par une société commune comprenant La Dépêche du Midi. Une surprise pour ce groupe de presse pas habitué au monde de la restauration. Entre diversification économique et clin d’œil à Jean Jaurès, plusieurs raisons expliquent ce rachat inattendu.

Au rugby, on appelle cela une valise. Le joueur se faufile à la sortie d’un ruck et transperce la ligne adverse par surprise. Le groupe de presse La Dépêche du Midi s’est ainsi faufilé dans le monde de la restauration ce lundi 5 février 2024. Il a racheté la brasserie Le Bibent avec Esprit Pergo, groupe spécialisé dans les restaurants à Toulouse. Le mardi 30 janvier 2024, le Tribunal de commerce de Montauban avait validé le plan de cession au profit des deux groupes. D’après une information d’Actu Toulouse, La Dépêche du Midi et Esprit Pergo ont créé une société commune afin d’exploiter le restaurant. Au total, le rachat du fonds de commerce s’élève à 2,4 millions d’euros. Cette opération fait suite au placement en redressement judiciaire le 21 septembre 2023 de la célèbre brasserie située depuis 1863 sur la place du Capitole à Toulouse. Criblée de dettes, l’institution détenue alors par un groupe de sept créanciers dirigé par Thierry Oldak devait vendre à tout prix afin d’éviter le dépôt de bilan.  

Diversifier son modèle économique

Une opportunité pour le groupe de presse La Dépêche qui s’était déjà rapproché il y a quelques années de Thomas Fantini, le gérant du groupe Esprit Pergo, qui a récemment acquis la gestion des bars du Zénith du Toulouse. « Ça fait longtemps que nous avons des idées d’investissement dans la restauration, assure Eric Laffont-Baylet, administrateur délégué en charge des Relations Extérieures et de la Communication du groupe La Dépêche du Midi. On avait comme projet de monter une brasserie Midi Olympique (détenue par le groupe La Dépêche, ndlr) à l’image du journal aux dimensions festives et nationales. On avait donc déjà travaillé avec Thomas Fantini qui connaissait très bien le monde du rugby et de la restauration. »

Une relation qui s’est peaufinée année après année. Lorsque la mythique brasserie Le Bibent connaît des difficultés financières, les deux parties reprennent contact. « Thomas Fantini a été approché pour s’occuper de la gestion du restaurant. Il fallait alors monter un dossier. Ce que nous avons fait ensemble. Lui pour s’occuper de la cuisine, de la carte et du service en tant qu’opérateur. Nous pour la communication, la publicité ou encore les partenaires », explique Eric Laffont-Baylet. Alors que le groupe de presse connaît une diminution de ses ventes de journaux papiers, une stratégie de diversification de ses activités économiques s’impose.

Spécialisée dans la production d’information et de communication, La Dépêche du Midi a pour habitude de proposer ses services à des partenaires ou des activités proches. Mais, depuis quelques années le groupe s’est éloigné de ceux-là et cherche à se diversifier que ce soit par la restauration ou des évènements musicaux comme le Rose Festival. « On avait des projets de créer des évènements autour des musiques actuelles à Toulouse. Ils n’ont pas fonctionné jusqu’à ce qu’on rencontre Big Flo et Oli, décrit Eric Laffont-Baylet. Ils nous ont apporté leur connaissance du milieu artistique et leur public jeune. Nous, on leur a proposé des partenaires économiques et un public plus large. C’est une relation complémentaire comme ce que nous voulons faire au Bibent. » Le rachat de la célèbre brasserie toulousaine s’inscrit donc dans la continuité des nouvelles activités stratégiques du groupe La Dépêche du Midi. L’objectif étant de ramener une manne financière importante afin de continuer à proposer de l’information à ses lecteurs.

Au souvenir de Jean Jaurès

Derrière ce rachat se cache aussi une belle histoire. La brasserie située à quelques pas de la mairie de Toulouse accueillait régulièrement Jean Jaurès alors adjoint au maire. Le célèbre politique toulousain était aussi chroniqueur pour La Dépêche du midi. De 1880 à sa mort en 1914, il écrivait une chronique hebdomadaire sous forme de billet sur la politique générale du pays. C’est dans l’impressionnante salle ornée de lustres de Murano que venait Jean Jaurès pour les écrire. « C’est bien-sûr un clin d’œil du destin, une forme de symbole de ce rachat. Cela montre qu’on s’intéresse à notre territoire », sourit Eric Laffont-Baylet.

Les deux groupes de repreneurs louent le coté terroir et local cher aux Toulousains et qui fait la réputation du Bibent. Thomas Fantini, qui gère le groupe Esprit Pergo, a un carnet d’adresses bien fourni en producteurs du Sud-Ouest. De quoi continuer à faire du Bibent une institution locale au rayonnement national. C’est d’ailleurs ce qu’avait réussi à faire le chef étoilé Christian Constant jusqu’en 2020 avec une carte aux accents du Sud-Ouest qui était reconnue jusqu’à Paris. « On veut ramener du flux dans ce restaurant. Pourquoi pas ramener Damien Comolli (président du Toulouse Football Club, ndlr) afin de faire un face aux lecteurs au Bibent ou organiser des conférences et des réunions par exemples », propose Eric Laffont-Baylet.

Le rachat du Bibent constitue le premier restaurant sous la direction du groupe La Dépêche du Midi. Dans les années 1970, le groupe détenait un drugstore rue Alsace-Lorraine où il était possible de boire des cafés et d’acheter toute sorte de choses. C’est désormais place du Capitole qu’il sera possible de boire son café et lire La Dépêche. Une stratégie économique qui devrait ouvrir de nouvelles portes au groupe afin de pérenniser ses activités. Pour cela il faudra d’abord refaire du Bibent un lieu incontournable de la gastronomie locale. « Maintenant qu’on a marqué l’essai, il faut le transformer », espère Eric Laffont-Baylet.

Crédit photo : Louis Breton