Ce mercredi matin, les agriculteurs toujours présents au blocage de l’autoroute A64 à Carbonne se relaient afin de faire perdurer le mouvement parallèlement à leurs activités professionnelles. Malgré le décès de l’agricultrice Alexandra, le mouvement se poursuit.
Depuis le jeudi 18 janvier, à Carbonne, ville à l’origine du mouvement national, les agriculteurs se relaient au niveau du pont de la sortie 27 de l’autoroute A64. Ce mercredi matin, ils sont une vingtaine à tenir le blocage pendant que d’autres travaillent. La matinée est calme et la solidarité est de rigueur. De nombreux habitants aux alentours et les familles des agriculteurs viennent apporter des repas en soutien. Sous un froid glacial, les agriculteurs accueillent les journalistes dans leur lieu de lutte devenu leur nouveau lieu de vie et expriment une détermination à se faire entendre. Sur place, des mannequins pendus au pont de l’autoroute symbolisent les suicides fréquents dans le secteur agricole. Les agriculteurs dénoncent un travail trop coûteux qui ne leur rapporte pas assez. En France, ce problème cause un suicide tous les deux jours dans la profession. (Santé publique France).
Thorayya Mouton, éleveur bovin à Saint-Michel (31220), exprime ses revendications malgré l’épuisement. Les agriculteurs doivent jongler entre leur vie professionnelle et leur vie de militant, ne laissant place à aucun repos. « Aujourd’hui, la mobilisation grandit et je pense à tous les Français qui ont du mal à aller travailler car les routes sont bloquées. Je pense à tous ces gens, mais nous nous battons aussi pour eux, afin d’obtenir une agriculture française de qualité. Aujourd’hui, nous avons un modèle agricole trop compliqué. Je voudrais dire aux français qu’aujourd’hui la viande que nous mangeons est principalement importée, et sur notre territoire, dans notre région agricole, ce n’est pas possible.»
Un leader régional
Jérôme Bayle, meneur du mouvement depuis la manifestation à Toulouse, a fait de la ville de Carbonne un symbole de la lutte agricole. C’est à Montesquieu-Volvestre (31) que se trouve l’exploitation de l’agriculteur, non loin de Carbonne. Le mouvement a débuté en Occitanie mais s’est propagé dans l’ensemble de la France ainsi qu’à l’étranger, comme en Allemagne et en Italie. Les agriculteurs de la région sont fiers de l’ampleur de leur démarche et de la visibilité qu’ils ont obtenu au cours de la semaine. Ces blocages ont pour objectif de recevoir une visite du Premier ministre, Gabriel Attal, à Carbonne, ou dans le Sud-Ouest de la France, afin de trouver des solutions. Les agriculteurs ont des revendications claires et pacifiques : le développement de la consommation d’aliments locaux, au même prix que ce qui est importé dans la région, soit, une souveraineté alimentaire.
Du combat au deuil
« Ce matin, je me suis levé tôt, j’ai pris soin de mes animaux et à 8h30 j’étais là pour soutenir le mouvement et la mémoire d’Alexandre décédée hier dans la région » témoigne Thorayya Mouton. La mobilisation se poursuit malgré le décès d’Alexandra Sonac, agricultrice et mère de famille âgée de 36 ans tuée dans un accident au niveau du barrage de Pamiers (09). Son mari, Jean-Michel Sonac, toujours hospitalisé, perd également sa fille, qui a succombé à ses blessures causées par l’accident. Seulement 40 minutes séparent les deux lieux de blocage. Toutefois, ce mercredi matin, un sentiment de vide se fait ressentir et des précautions sont prises afin de protéger les manifestants. Le courage d’Alexandra au sein du métier fait parler. Ce matin, elle est dans les pensées et les paroles des agriculteurs.
La mort tragique d’Alexandra Sonac devient ainsi une épreuve poignante au sein de la bataille que mènent les manifestants. Néanmoins, au milieu du chagrin, l’esprit de solidarité persiste, et la détermination à faire entendre leur voix s’intensifie. Les agriculteurs sont clairs en ce qui concerne le futur du mouvement : il ne s’essoufflera pas. En cette journée marquée par la perte, la communauté agricole se rassemble, prête à poursuivre la lutte avec la même ferveur et le même engagement qu’Alexandra Sonac avait incarnés de son vivant.