Le cinéma inspire depuis toujours de nombreuses vocations. De l’acting en passant par la réalisation et l’écriture de scénario, à Toulouse, ils sont nombreux à espérer voir un jour leur nom sur une affiche ou un générique. Mais combien d’entre eux ont réussi à faire carrière dans ce milieu aussi attrayant qu’opaque et inaccessible ? Qui sont-ils, et à quoi ressemble leur combat ?

Virginie H., expatriée dans la capitale pour réaliser son rêve de devenir actrice, se confie sur les dessous d’une profession saturée et en perte de valeur. Rencontre.

Pourquoi avoir décidé de quitter Toulouse pour Paris ?

En réalité, je n’avais pas vraiment le choix. Réussir au cinéma, aujourd’hui, cela passe forcément par Paris. C’est le centre de tout. Tous les castings en présentiel y ont lieu. Il y a certes quelques opportunités dans le sud, mais cela concerne surtout Montpellier et Marseille, grâce au développement de leurs séries quotidiennes. Ça ne m’intéressait pas vraiment.

Et puis, la capitale est le meilleur endroit pour se faire du réseau. Il s’agit d’une chose importante, puisque le milieu est très fermé. Même en connaissant beaucoup de personnes, cela ne suffit pas. Il faut surtout avoir la chance de rencontrer des personnes avec un vrai pouvoir d’influence. 

Devenir actrice, c’est un rêve d’enfant ?

J’ai mis du temps à oser me lancer dans cette carrière. Avant, j’avais beaucoup de difficulté à assumer mon visage, mon corps à l’écran, en gros plan. J’avais un problème avec mon image. Or, ce que tu vends, c’est toi-même. Tu es le produit. Avoir un refus sur un casting, quelque part, c’est toi qu’on rejette. Je n’étais pas prête à l’encaisser. Aussi, les gens ne se rendent pas forcément compte qu’au cinéma, le travail d’un acteur, c’est beaucoup d’attente pour très peu de jeu. Du coup, je me suis d’abord tournée vers le théâtre, qui est plus vivant et a un rapport plus direct avec le public. 

Mais c’était surtout la peur qui m’a empêchée de me projeter dans cette profession. Je ne voulais pas m’avouer que c’était ça, ce que je voulais vraiment faire. Le déclic a eu lieu au décès de mon père, il y a quatre ans… Il me disait tout le temps : “Quand est-ce que je te vois à la TV ?”. Maintenant, il est parti, et il ne m’aura jamais vue à la télévision. Je crois que je me suis lancée aussi un peu pour lui. 

Est-ce que tu arrives à en vivre, aujourd’hui ?

Je ne vis pas du cinéma, mais de la voix-off et du doublage. Mon professeur de théâtre m’a dit un jour que j’avais un talent inné pour jouer avec ma voix, et c’est ce qui m’a donné envie d’en faire. Et puis, ça paye bien. Ça reste un job alimentaire plutôt intéressant. Et j’obtiens bien quelques cachets pour de la figuration ou de la silhouette, mais les vrais rôles sont très difficiles à obtenir. 

En fait, sans argent, c’est presque impossible. Désormais, on doit payer pour pouvoir rencontrer des directeurs de casting. Comme on est énormément de comédiens à vouloir percer, la profession nous prend pour des vaches à lait, et tout le monde se plie à ce jeu. Il faut rajouter à cela la question des critères physiques et d’âge, qui sont particulièrement présents pour les rôles féminins. Si on est normale, banale, il faut être très performante ou alors très drôle, et encore… 

Qu’est-ce que tu penses du cinéma français actuel ?

Honnêtement, je n’en pense pas grand chose. Je trouve qu’il n’y a pas beaucoup d’opportunités intéressantes. Particulièrement à la télévision, parce que les producteurs sont frileux sur les créations. On ne voit plus que des remakes étrangers, des acteurs bankable, des polars ou autres sujets trop réalistes et un peu glauques. Ils essaient de se positionner sur la tendance du moment, mais à mon sens, un spectateur a surtout envie de s’évader. De se divertir. 

C’est ce que j’aimerais, pour mes rôles et les films dans lesquels je jouerais. Mettre davantage d’évasion et d’humanité. Le sujet peut être grave, mais il peut être traité avec humour. Comme dans La vie est belle de Roberto Benigni, par exemple. Il arrive à faire du comique alors qu’il parle de la déportation. Il ose, et ça fonctionne. Il faudrait aussi que la France accepte de mettre en avant plus de nouveaux acteurs, comme c’est le cas aux États-Unis. 

Ça ne te désespère pas, toutes ces difficultés et obstacles à surmonter ?

Je dois bien avouer que je me pose des questions sur mon choix de métier. Peu de choses concordent avec mes valeurs, c’est un milieu qui ne me correspond pas, le show bizz. En fait, je suis même aux antipodes de ça. 

Après, le cinéma ce n’est pas que de la compétition et des rapports hiérarchiques. Je participe de temps en temps à des festivals comme le Kino Rôse à Toulouse, qui font se rencontrer des cinéastes et des cinéphiles bénévoles. Comme tout le monde a le même statut, ça crée des ambiances de troupe davantage comme ce que l’on peut retrouver au théâtre. Et ces événements me font rencontrer beaucoup de réalisateurs en devenir, avec qui je fais des court-métrages qui sont envoyés par la suite dans de plus gros festivals. Ça m’apporte de la visibilité, de l’expérience. 

Ça reste juste un peu frustrant, de ne pas pouvoir évoluer. J’aimerais passer au niveau supérieur, surtout à mon âge. C’est un peu paradoxal, mais je ne me vois pas non plus faire autre chose. Après tout, le cinéma et le métier de comédienne, pour moi, c’est vraiment une passion. 

Crédit photo : Virginie H.

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