Le Couvent des Jacobins accueille jusqu’au six mars une rétrospective de l’œuvre de Jean Dieuzaide pour le centenaire de sa naissance. Passionnée, la commissaire de l’exposition Françoise Denoyelle encourage tout le monde à visiter cette exposition majeure du célèbre photographe toulousain. 

Univers Cités : Qui est Jean Dieuzaide ?

Françoise Denoyelle : C’est un photographe débutant sa carrière dans l’après-guerre, dans la presse, notamment sportive. Il commence peu à peu à répondre à des commandes. En parallèle, il travaille aussi sur des travaux de recherches plus expérimentaux avec une grosse réflexion sur les objets de la photographie qui n’est, à l’époque, pas un art reconnu. Encore aujourd’hui, c’est un artiste peu connu. À l’exception de Robert Doisneau, son contemporain, on ne connaît peu de photographes.
Jean Dieuzaide est pourtant très connu dans les milieux du huitième art. C’est le premier photographe à recevoir le Prix Niépce, l’équivalent du Goncourt, de la photo et le seul à ce jour à le cumuler avec le prix Nadar qui récompense le meilleur livre photo. Si l’œuvre de Dieuzaide a une dimension nationale et internationale, c’est aussi un enfant chéri de Toulouse qu’il a beaucoup photographié et où il a vécu toute sa vie.

U.C. : Quels choix esthétiques avez vous fait dans cette exposition?

F. D. : J’ai tenté d’aborder le plus de facettes de son œuvre et pas seulement ses photographies de Toulouse. Parmi les deux cents clichés, certains sont très connus comme « La petite fille au lapin » ou « La gitane du Sacromonte ». Elles s’inscrivent dans la vague de la photographie humaniste de l’après-guerre qui met l’humain au cœur du sujet. D’autres sont beaucoup moins célèbres voire complètement inconnues alors qu’elles valent le détour. C’était la première grande exposition depuis sa mort, il en faudra beaucoup d’autres avant d’épuiser le fond d’exposition notamment ses photographies couleurs que je n’ai pas exposé. On a reproché à l’exposition d’être trop sombre, moins de 30 lux*, mais pour exposer des photos pendant trois mois, il y a des contraintes, sinon elles s’abîment.

U. C. : Quel bilan peut-on dresser pour l’exposition ?

C’est assez extraordinaire, on a compté quasiment 30.000 visiteurs pour le moment. C’est un énorme succès, surtout quand on prend compte des contraintes liées à la pandémie. Le catalogue a été pratiquement entièrement vendu, c’est très rare. Il faut dire que l’évènement était très attendu par les amateurs de photos avec des pièces complètement inconnues.

U. C. : Qu’est ce que vous diriez à des jeunes pour les convaincre de venir?

C’est une exposition que j’ai conçue pour intéresser des néophytes comme des initiés, n’ayez surtout pas peur de pousser la porte. Le travail de Dieuzaide n’est pas difficile à aborder, c’est un vrai plaisir pour les yeux. Ses photos sont un moyen de voir le monde

Aquitaine chimie, 1961, Crédit : mairie de Toulouse

autrement. Vous êtes une génération qui prend beaucoup de photos mais ça se résume trop souvent à des selfies ou au contenu d’une assiette. Les œuvres de ce photographe donne des idées formidables pour renouveler son regard.
Certaines de ses photos, notamment sur l’architecture, personne n’aurait eu l’idée de les prendre comme ça. « La petite fille au lapin » est belle mais au final c’est évident, il suffisait d’être là au bon moment. Pour d’autres séries de photos, personne n’aurait pensé à les prendre sous cet angle là.

U.C. : Avez-vous une photo coup de cœur ?

J’aime beaucoup la photo sur l’affiche de l’exposition. Ce Dieuzaide tout petit avec cette grande structure redonne la dimension de l’homme. D’ailleurs, dans tout ses autoportraits on le voit sans le voir avec beaucoup de modestie et d’humilité.

 

*30 lux, cela correspond à l’intensité lumineuse d’un éclairage que l’on retrouve généralement dans les caves ou les grenier.

Photo : Toulouse Métropole