Pour protester contre les soldes et la surproduction textile, les militants du mouvement écologiste Extinction Rébellion Toulouse ont organisé un « magasin gratuit » de vêtements d’occasion en plein centre-ville, le samedi 5 février.

Samedi après-midi, l’ambiance est électrique dans le centre-ville toulousain. Les badauds se pressent pour le dernier week-end des soldes. Rue Alsace-Lorraine, des manifestants protestent contre le passe sanitaire. Quartier Arnaud Bernard, des militants se rassemblent contre l’islamophobie. Partout les fourgons de CRS bloquent les rues.

Près de la Place Wilson, un petit groupe de jeunes entre 18 et 25 ans se rassemble à 14h15. Ginko, Fal, Lixir, et les autres sont tous activistes d’un mouvement appelé « Extinction Rébellion » créé en 2018. Dans la cacophonie d’une ville en surchauffe, ils essaient de faire entendre leurs revendications. La fin du système productiviste de la mode et l’adoption d’autres façons de consommer.

Les banderoles sont issues d’atelier « artivisme » . Photo© Elie Toquet

À la sortie de la station de métro Capitole, des bâches sont étendues sur le sol et les activistes y disposent le contenu de leurs sacs. Des dizaines de vêtements d’occasion collectés pour l’occasion. Les passants sont invités à se servir gratuitement comme l’indique la banderole « Freeshop ». Néréide, une jeune activiste de 18 ans explique leur présence. « On est ici pour protester contre la fast fashion. Tous ces grands magasins comme Zara, Sephora ou H&M produisent des tonnes et des tonnes de vêtements chaque année. Ils épuisent l’eau douce, polluent l’air, et exploitent les travailleurs du tiers monde». Une récente étude australienne sur l’emploi de la main-d’œuvre Ouïghour épingle effectivement 83 marques dont une cinquantaine liées à l’habillement.

 

Le contraste est marquant. Face à la vitrine du magasin Zara et de ses mannequins impeccables, le stand improvisé fait un peu miteux, mais est loin d’effrayer les passants. Nombreux sont ceux à se presser autour ou à venir discuter pour apporter leur soutien. Myriam, la quarantaine, vient exprimer sa sympathie à un militant « Je trouve ça super ce que vous faîtes, on devrait tous s’y mettre mais personne n’a le temps. En plus c’est bien le côté social de la gratuité ». Les critiques sont plus rares mais certains passants effectuent un large détour pour éviter les militants et leurs harangues de poissonniers. Jeanne, 27 ans, reste assez critique de ce genre d’action.« Les écolos sont bien gentils mais moi, mon petit plaisir après une semaine de taff c’est les soldes. J’ai pas les moyens de m’acheter du local ou du bio donc je profite des démarques et j’en ai marre qu’on me culpabilise ».

C’est pourtant l’un des mots d’ordres des actions de Extinction Rébellion : pas de violence et surtout pas de culpabilisation des individus. Un des vendeur-activistes, Lixir, proteste « le freeshop c’est précisément une alternative au productivisme. Cette fois-ci personne ne peut dire qu’on est pas dans la proposition ». Pour autant, il reconnaît des limites à l’action.« Le principe du mouvement c’est de changer les structures pour changer les gens, pas l’inverse. » Pour le jeune homme « Notre ennemi ce sont les grandes entreprises qui polluent et qui créent une urgence à consommer avec les soldes. Les gens n’ont pas beaucoup de prise dans ce piège psychologique. Aujourd’hui, on tombe un peu dans la fable du citoyen consommateur qui change le monde grâce à ses petits choix. »

Crocos, lui, maintient que ce genre d’action a un intérêt. « On est en plein centre-ville un samedi, c’est idéal pour se faire connaître. Et puis ça fait du bien de faire des trucs un peu plus tranquilles parfois. Pendant la dernière action on s’est fait dégager assez violemment par la police et c’est épuisant moralement. Là, les militants apprennent à se connaître, à passer du temps ensemble ». De fait, il y avait beaucoup de nouveaux à cette action : seules deux militantes ont plus de 25 ans et c’est une première expérience pour la moitié des activistes.

Le groupe est caractéristique de la section toulousaine du mouvement, en plein redémarrage depuis septembre. Après des débuts difficiles en 2018 et une mort cérébrale pendant la pandémie, l’antenne toulousaine est plus dynamique que jamais. Autre changement, politique cette fois, le mouvement semble sur le point d’abandonner sa règle de non violence au niveau national. Comme l’explique Crocos : « La dernière coordination à Paris a montré que la plupart des militants étaient favorables à adopter les actions de sabotage comme moyen d’action légitime. » Une évolution qui risque de ne pas passer inaperçue.

Photo d’entête © Malo Toquet